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HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.
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Fur a. ©wau* , de la Société nationale des Antiquaires de Franee ; associé de l' Académie royale de Belgique ; membre des Société* d'agriculture, sciences et arts de Lille et de Douai; de celle d'Emnlation de Cambrai ; de celle* des antiquaires de la Picardie et de ta Mormie; de la société d'histoire et d'archéologie de ChAlon-sur-Saûne ; du celle des sciences, des lettres et des arts du Hainant ; de la société des bibliophiles belges*, de celle de l'bistoire de Franee ; de l'Académie d'Arras ; de la socrélé des sciences, arts et belle* lettres de SU-Qnentin ; de la société archéologique d'Arcsnes ; correspondant du minis- tère de l'instruction publique poar les recherches historiques; vice-président de l'aca- démie de peinture , sculpture et architecture de Valencienres.
TROISIÈME SÉRIE. TOBIE 5. *
VALENCIENNES,
AU BUREAU DBS ARCHIVES , RUE DE LA NOUVELLE HOLL\NLE , 7 b*S .
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SA VIE ET SES OUVRAGES-
A mes amis Auguste Panseron , du Conservatoire de- Paris , et Edmond de Coussemaksr, auteur de f Histoire de l'Harmonie au moyen-âge
I.
Peu soucieuse du talent et de la gloire de nos anciens maîtres, la génération actuelle a abandonné leurs ouvrages. Dédaignés par les romantiques en musique L ils restent ensevelis dans la poussière des bibliothèques, ou sont exposés aux injures du temps sur les étalages des bouquinistes des quais de Paris. Per- sonne , en excepta nt toutefois; de ' cette négation quelques rares amateurs de ce qui eàt éteftâelfeinent beau, ne parait se douter des trésors de mélodie, 4'êrtpression , et de9 combinaisons harmoniques à la fois, pures et savantes renfermés dans ces ouvrages, préférables de beaucoup au galimathias prétentieux et au bruit assourdissant que font les lauréats de notre époque
de tintamarre et de fumée. La faute en est-elle au public?
Non , certainement, car depuis longtemps il n'est plus appelé à entendre les anciens compositeurs. Les directeurs de spectacles et de concerts , soumis aux exigences des artistes de nos jours, sont obligés d étouffer la lumière sous le boisseau, et si, de loin en loin, ils en laissent échapper quelques étincelles, 1 eteignoir des arrangeurs,. race à jamais maudite, et une déplorable exécu- tion, ne tardent pas à replonger ces étincelles dans la nuit la plus profonde. C'est à Paris surtout que cette profanation a lieu. Dans ce royaume de l'intrigue et de la mode, les morts illustres sont sacrifiés à l'amour - propre et à la rapacité .des vivants — Gluck, Piccini, Spontinî, Grétry, Dalayrac, Méhul, ont disparu de la scène. La tradition se perd ainsi , .et le monde , qui juge sans savoir et saus connaître les œuvres du génie , poursuit les
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noms vénérables que je viens de citer, lorsqu'ils viennent à être proférés, d'épithètes aussi ridicules que méprisantes. Cepen- dant, il arrive quelquefois que le jour de la justice se lève pour de grandes ombres. Cela a eu lieu dans l'été de 4854, au festi- val de Lille, où une pavane du 46* siècle, par Jehan Tabourot (Arbaud), et un chœur de l'opéra de Castor etPolluœ, de Rameau, ont eu tous les honneurs de cette magnifique solennité musicale, et ont été salués par les plus vifs applaudissements!.... Il est vrai de dire que l'exécution en a été grandiose» et qu'aucune ri- valité envieuse et mesquine ne s'est interposée dans l'arrêt rendu par huit mille auditeurs.
Ces réflexions se sont présentées tout naturellement à ma pensée en songeant à entretenir les lecteurs des Archives de Gossec, cet enfant du Hainaut. Personne, plus que lui, n'aie droit de prendre place dans une revue consacrée par son esti- mable et savant directeur à perpétuer le souvenir des célébrités artistiques du Nord, et je vais essayer de retracer sa vie, de rap- peler ses ouvrages et les services immenses qu'il a rendus à la musique.
II.
Gossec (François-Joseph), reçut le jour le 47 janvier 4734, dans le village de Vergnies, qui ressortissait de la prévôté de Mau- beuge. Depuis les conquêtes de Louis XIV, cette partie du Hai- naut avait été réunie à la France : elle ne fut rendue à la Belgi- que que par les traités de 1845, et cependant elle dépend encore aujourd'hui de l'archevêché de Cambrai. Ainsi Gossec était né Français, quoiqu'en disent les biographies belges, en général si peu scrupuleuses lorsqu'il s'agit d'enrichir leur pays d'un hom- me célèbre de plus. — Il est certain ensuite, d'après son acte de naissance, qu'il ne s'appelait point Gossec, mais Gossé. C'est en effet sous ce dernier nom que lui et son père figurent dans cet acte, où sa mère est renseignée sous celui de Marguerite Bras- seur. Cela pourrait sembler assez étrange, si l'on ne savait pas qu'à l'époque où notre compositeur débuta dans le monde musical, tout artiste aspirant au succès, avait intérêt à se donner une origine italienne ou allemande. Je pourrais facilement citer plusieurs exemples de cette transformation de nom : il me suffira de rappeler queMonsigny, né à Fauquembergue en Artois, et dont la famille était originaire du Boulonnais , a signé ses premiers ouvrages du nom de Moncini, et a passé pendant long- temps, à cause de cette petite supercherie, pour un compositeur ultramontain. La mode acclamait alors, comme elle lasouveut
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fait depuis, les musiciens italiens et allemands ; et la mode est ehez nous une puissance tellement despotique, que pour réussir il iaut se soumettre à ses lois, toutes bizarres qu'elles soient. -
Les parents de Gossec étaient dans un état voisin de l'indi- gence : aussi ne put-il, dans les premières années de sa vie, re- cevoir aucune éducation, et garda-t-il les vaches sur les che- mins et les terrains communaux. Mais la nature l'avait doté d'une organisation supérieure , et il avait reçu du ciel cette flamme secrète qui , malgré les obstacles , et en dépit de la mi- sère, fait éclore le talent. Comme le Giotto, la vue des spectacles variés que la campagne lui offrait, les accidents de la l umière, le ehant des oiseaux, le bruit d'une pluie d'orage tombant à flots pressés sur les feuilles des arbres, les éclats de la foudre, les mys- tères de la solitude parlèrent à son cœur, car lui aussi devait un jour devenir peintre. Doué d'une jolie voix, il se plaisait à la faire entendre au milieu des champs, où l'inspiration se développait en lui. Sans aucune connaissance de l'art, il inventait des airs qu'il accompagnait au moyen d'instruments- fabriqués de sa main. Ce fut ainsi qu'il confectionna avec un sabot une espèce de violon dont il parvint à tirer des sons , et dont l'har- monie grossière charmait son oreille en l'iuitiant à la science des accords. Cet instinct musical, qui le suivait partout, fut remarqué des habitants de son village. Un de ses oncles , en même temps son parrain, homme de cœur et d'intelligence, ne fut pas des derniers à s'en apercevoir. Cet oncle était dan» une position beaucoup plus aisée que celle des parents de Gos- sec ; il s'intéressait à son filleul , et employa -ses soins à utiliser la vocation que oe dernier manifestait. D'abord, il le mit à toème de fréquenter l'école du village, le fit chanter à l'église, et parvint ensuite à obtenir qu'il entrât comme enfant de chœur à l'église de Walcourt, bourg voisin, célèbre par un pèlerinage très suivi en l'honneur de Notre-Dame. On sait que de temps immémorial il existait à Maubeuge, avant la révolution, un cha- pitre de chanoinesses sous l'invocation de Sainte -A ldegonde. Ce chapitre possédait à Vergnies un droit de terrage, dpnt la per- ception établissait des relations entre ce village et Maubeuge. Des renseignements pris dans cette ville il parait résulter que de Walcourt Gossec passa, toujours en qualité d'enfant de chœur, en l'église de Satnte-Aldegonde, et reçut des leçons de Jean Van- derbelen, éoolatre du chapitre. Cet écolâtre avait été nommé à ce bénéfice en 4722, et l'occupa jusqu'à sa mort, arrivée dans l'année 4755. La partie la plus importante de ses fonctions était d'enseigner Je. chant aux jeunes chanoinesses. On ignore les
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moiife qui engagèrent Gossec à quitter le chapitre de Sainte Al- degonde pour retourner chez ses parents. 11 n'y resta que peu d'instants, et son oncle, ayant su intéresser à son sort plusieurs personnes haut placées, parvint à le faire admettre comme pre- mier chantre à la cathédrale d'Anvers. De ce moment datent ses essais dans la composition musicale. Ainsi que Monsigny, il jouait fort bien du violon, et c'est en se servant de cet instru- ment qu'il préludait aux œuvres qui depuis l'ont rendu célèbre. Tout porte à croire qu'il avait trouvé à Anvers quelque vieil ar- tiste allemand de la descendance de Handel , ferré sur le contre- point et la fugue, car ses progrès furent tels que de riches ama- teurs des arts le prirent sous leur protection et lui fournirent les moyens de se rendre à Paris, en l'y recommandant d'une ma- nière toute spéciale.
m.
Gossec arriva dans la capitale en 1754. La France jouissait alors d'une profonde tranquillité, et les lettres, les arts et ce qu'on était convenu d'appeler la philosophie y étaient culti- vés avec ardeur. Le goût du beau , l'amour du progrès s'étaient introduits dans toutes les classes de la société, avides d'innova- tions dont l'abus devait un jour révolutionner et ébranler la vieille Europe. La finance elle-même qui, quelques années au- paravant, avait donné lieu aux sarcasmes mordants de Le Sage, dans son excellente comédie de Turcaret, s'entourait de tous les hommes distingués du temps et employait son luxe et ses riches- ses à encourager les productions de l'imagination et de la pensée.
Parmi les fermiers - généraux existant à cette époque, on dis- tinguait M. de la Popelinière. C'était un homme spirituel, mais un peu vain, quoique poli, ce qui est rare, surtout de nos jours, dans les gens d'argent — aimable lorsqu'il voulait plaire, il causait de toutes choses avec convenance, quoiqu'il n'eût fait aucune étude approfondie ; il versifiait avec facilité, avec une certaine grâce, et composait des comédies assez médiocres qu'on jouait sur le théâtre élevé dans sa charmante maison de Passy , comédies qu'applaudissaient avec enthousiasme les flatteurs formant sa petite cour. Du reste, il recevait l'élite de la société, les ambas- sadeurs, la noblesse, les femmes les plus à la mode de Paris, et particulièrement les écrivains et les artistes les plus en renom.
Au nombre des plaisirs faisant le charme des fêtes données par M. de la Popelinière, la musique tenait le premier rang. Ra- meau, son ami intime, avait son logement à Passy, ainsi que les exécutants nécessaires pour y répéter les opéras composés par
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lui. Rameau portait le sceptre de l'empire musical, les dilettan- ti du temps ne juraient que par sa science, et tous les artistes français se faisaient un honneur de se ranger sous sa bannière. Gossec lui fut recommandé : Rameau ne tarda pas à apprécier le parti qu'il pourrait tirer de ses talents. Il le fit agréer comme chef d'orchestre des concerts de M. de la Popeltnière, qui lui don- na un appartement dans sa maison et des appointements très convenables.
La musique française était alors, à peu de choses près, ce qu'elle avait été sous Leuis XIV, c'est-à-dire lente, lourde, offrant par intervalles quelques jolies mélodies , mais presque nulle sous le rapport instrumental; — un récitatif vrai de décla- mation, surtout dans les partitions de LulH, des airs de danse dans lesquels Rameau excellait, quelques sonates de violon, quelques pièces de clavecin, voilà la quintessence du bagage qu'elle pou- vait offrir aux amateurs. Il est vrai de dire que dans le genre instrumental, le reste de l'Europe n'était pas beaucoup plus riche que nous. Gossec eut dès lors l'idée d'une réforme et d'inno- vations qui, poursuivies par lui, avec autant de fermeté que d'intelligence, sont devenues ses plus beaux titres de gloire. La symphonie, l'ouverture étaient à oaéer, car il serait dérisoire d'appliquer ce nom aux introductions servant de préfaces aux opéras de Lulli, de Gampra, de Colasse et même de Rameau. Un fait assez curieux à consigner dans l'histoire des progrès de l'art, c'est qu'au moment où Gossec publiait en France ses pre- mières œuvres en ce genre, Haydn écrivait en Allemagne sa pre- mière symphonie. On peut se faire une idée de l'étonnement que produisirent ces formes nouvelles d'harmonie, cette vigueur d'instrumentation dont, jusqu'alors, on n'avait eu nul exem- ple '... L'auditeur fut d'abord frappé, comme peut l'être l'aveu- gle dont la paupière, sortant d'une nuit obscure, est tout-à-coup inondée par les rayons du soleil ! Toutefois , on ne tarda pas, non-seulement à s'accoutumer à cette innovation , mais encore
à en sentir tout le prix, et à y applaudir avec transport !
N'était-ce pas le prélude, l'aurore du jour brillant que Gluck de- vait , quelques années après , faire jaillir de sa magnifique ou- verture de Ylphigéme en Aulidel (t)
(1) Pour moi le génie de Gluck, mon idole , procède d'an homme
dont les veines recelaient le feu des volcans , el les os la moelle du
lion. Et cependant, soit dit en passant, on laisse dans la poussière de
. l'oubli les oeuvres de ce Michel - Ange do la musique ! Quel stupido
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Des chagrins domestiques ayant pour cause la mauvaise con- duite d'une femme qui devait à M. de la Popelinière le titre d'é- pouse» la fortune et une situation honorable dans le monde, en- gagèrent ce dernier à supprimer les fêtes qu'il donnait à Passy. Tout le monde sait l'anecdote de la cheminée à plaque tournante, si bien racontée par Marmontel dans ses mémoires, et comment Vaucanson, en examinant cette plaque, découvrit à l'époux ou- tragé les moyens employés par le maréchal de Richelieu pour s'introduire dans l'appartement de sa femme infidèle. L'orches- tre dirigé par Gossec fut dissous , et il perdit avec sa place tous les avantages qui y étaient attachés. M. le prince de Conty, qui le connaissait et l'estimait, lui proposa alors de devenir le di- recteur de sa musique. Gossec accepta d'autant plus volontiers la position qui lui était offerte que , sous le rapport pécuniaire, elle le dédommageait avec usure de celle qui venait de lui être en- levée, et lui donnait en outre de doux loisirs. Il en profita pour mettre au jour un grand nombre de compositions, parmi les- quelles on doit compter des quatuors pour deux violons, alto et basse, qui eurent un grand succès. En 4760, il publia sa messe des morts, et cet ouvrage accueilli avec enthousiasme, le plaça au premier rang des composteurs français. Maintenant même, cette messe, dont les charîts sont nobles, expressifs, dans leur couleur religieuse, et dont l'harmonie est à la fois simple et dis- tinguée, peut encore être classée parmi les chefs 7 d'oeuvre de musique sacrée. Le morceau pour voix de basse sur ces belles paroles :
Tuba mirum Spargens sonum Per sepulcra regionum ! est de l'effet le plus large, le plus solennel, et je me rappellerai toujours de l'impression de terreur qu'il produisit sur mon ima- gination (j'avais alors 43 ans)» lorsqu'on l'exécuta à Boulogne- su r-Mer, en mars 4805, au service funèbre de l'amiral Bruix,
dédain !. .. En vérité, il faut avouer que depuis 1850 nos législateurs se sont montrés, quant aux arts , bien intelligents et bien habiles, en donnant une subvention énorme à l'administration de l'Opéra , qui fait ainsi litière du talent et de la gloire ! . . . . Parmi les directeurs des théâtres lyriquos de Paris , un seul , M. Perdu , s'occupe encore de nos anciens chefs-d'œuvre, et offre, de temps en temps, à la génération actuelle , l'occasion d'applaudir Grétry, Méhul, Boieldieuet Dû la vrac.
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commandant en chef la flotille devant opérer la descente en An* gleterre. Depuis, de grands maîtres ont fait de la musique d'é- glise, mais, oserai-je l'avouer, plusieurs d'entre eux ont eu pour moi le tort de transporter le chant tbéàtral dans le sanctuaire, et je me suis souvent surpris , en écoutant leurs œuvres, à répéter avec le poète latin : Nonerat kk locw.
C'est seulement en 4764 queGossec commença à se faire con- naître en qualité de musicien dramatique , en donnant le Faux Lord au théâtre de la Comédie-Italienne. Lesuccès qu'il obtint l'encouragea a continuer de travailler peur la scène , et ce pre- mier ouvrage fut suivi des Pécheurs , de Toinon et ToineUe et du Double déguisement, comédies à ariettes qui attirèrent long-temps le public et furent très applaudies. Au Grand - Opéra il fit suc- cessivement exécuter Sabinus, Baueis et Pkylémon, Hylas et SU- vie, Alexis et Daphnée^ Rosine et Thisbée, 11 y a dans ces diverses partitions du métier et une correction de style alors on ne sau- rait plus rare, mais quant au charme, à l'originalité, elles sont fort éloignées de celles de Monsigny et de Grétry. Gossec au théâtre est, avant toutes choses, régulier, classique. Son chant est souvent un peu lourd et manque de grâce et d'inspiration dramatique. Ce qui le prouve, c'est que ses essais en ce genre n'ont vécu que quelques années, tandis que les compositions des maîtres dont je viens de parler, n'ont point cessé de faire les dé- lices de ceux qui savent sentir la mélodie aimable, vraie de dé- clamation, et apprécier le génie, lors même, selon l'heureuse expression de Pauseron , qu'il se traduit à nos yeux et à nos oreilles avec quelques fautes d'orthographe.
C'est à lui qu'on doit l'établissement du concert des amateurs, ouvert en 4770, et dont le célèbre chevalier de Saint-Georges fut le chef d'orchestre. Gossec, n'eût-il à revendiquer dans les pro- grès de l'art musical que la fondation de cet établissement, sa
part serait déjà fort belle I En effet, avant lui, la composition
et l'exécution instrumentale étaient d'une nullité complète. La symphonie la plus compliquée en fait d'instruments ne renfer- mait qu'un premier et un second violon, un alto jouant presque toujours la même partie que la basse, une basse et deux parties de hautbois et de cors. A ce mince bagage il ajouta la contre- basse, les clarinettes, la flûte» les trompettes, les bassons et les timballes. Ce surcroit de puissance, dû à l'emploi d'instruments nouveaux , produisit un effet immense dans les symphonies qu'il composa pour le concert des amateurs I... On fut d'abord étonné, et l'on ne tarda pas ensuite à être ravi.
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Les concerts dits spirituels , parce qu'ils étaient principale- ment donnés en temps de Carême, et n'admettaient dans leur répertoire que des morceaux de musique sacrée , existaient de- puis longtemps. On sentit le besoin de leur imprimer le mou- vement novateur que L'art venait de prendre, et leur direction fut confiée en 4773 à Gossec qui s'adjoignit Gaviniès, le plus re- marquable des violons du temps, et Leduc aîné. Sous ces gom- mes habiles , ces concerts arrivèrent à un haut degré de prospé- rité. Les artistes étrangers les plus distingués tinrent à honneur de s'y faire entendre, et les ouvrages qui y furent exécutés,, choisis avec un soin tout particulier, contribuèrent beaucoup à former le goût et à faire marcher l'école française vers cette su- prématie qui devait un jour la placer sur la ligne des écoles d'Italie £t d'Allemagne.
Une création d'une grande importance devait plus sûrement encore atteindre ce but , et recommander le nom de Gossec : ce fut celle de l'école royale de chant , fondée sur ses plans en 4784 , et à la tète de laquelle le plaça le ministre baron de Bre- teuil. Aux. leçons de solfège et de vocalisation , il joignit une classe d'harmonie et de contrepoint dont il se réserva le profes- sorat. Des chanteurs , des compositeurs de mérite sortirent de cette école, véritable germe d'où devait éclore un jour le Con- servatoire, et les théâtres lyriques de Paris et de la province, les maîtrisés des cathédrales se peuplèrent alors d'artistes qui en furent l'ornement.
C'est à cette époque de la vie de Gossec qu'il faut reporter la composition d'un morceau religieux devenu célèbre depuis, et se rattachant à une anecdote dont les détails ne manquent point d'intérêt. Partout, à la cour, à la ville, au théâtre comme à l'é- glise, l'enfant du Hainaut s'était fait des amis qu'il devait à son caractère doux, bienveillant, à sa gaieté, à la grâce et à l'ama- bilité de son esprit. Lié particulièrement avec M. de la Salle, secrétaire de l'Opéra, possesseur d'une jolie maison de campagne, située à Chêne vières, près de Sceaux ; il s'y rendit un jourde grand matin, avecLays, Chéron et Rousseau, chanteurs -célèbres, alors dans toute la force et la fraicheurde leur talent. A peine étaient- ils arrivés que le curé du lieu vint visiter leur hôte et lui faire part de l'embarras extrême dans lequel il se trouvait : « C'est » aujourd'hui la fête patronale du village, dit-il ; des chanteurs » de Notre-Dame avaient pris envers moi l'engagement de venir » exécuter dans ma petite église une messe en musique. J'ai » annoncé cette messe au prône, dans tous les châteaux voisins» » et voilà qu'une lettre de Paris me fait savoir que monseigneur
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» l'archevêque défend à ces chanteurs d'accomplir leur pro- » messe. Que vais - je faire , grand Dieu !. . . et que pensera de » moi la brillante société qui va marri ver, et à laquelle je ne » pourrai offrir qu'un office en faux bourdon?.. Ah! c'est vrai- 9 ment jouer de malheur ! ! » Touchés de la peine de ce bon curé, Gossec et les artistes qui l'accompagnaient s'entendirent pour la faire cesser. Le premier demanda à M. de la Salle du papier réglé sur lequel il traça d'inspiration son fameux 0 salu- iaris hostia! à trois voix, sans accompagnement , et les trois au- tres le chantèrent à l'église de manière à charmer la foule qui y était rassemblée. Huit jours après ce motet eut un succès im- mense au concert spirituel où il fut bissé ; depuis il a été placé dans VOratorio de Saill, et est resté l'un des chefs-d'œuvre du genre.
IV.
U révolution de 4789 arriva, et tout en détruisant, dansle9 années qui suivirent cette date, des établissements favorables à l'art musical, elle donna cependant à cet art une énergie qu'il n'avait que rarement déployée , et dont de nos jours les secta- teurs de la musique à coups de canon, comme disait Grétry, ont fait un étrange abus. Ce fut alors que Ghérubini et Méhul imprimèrent aux effets d'orchestre une vigueur qui n'excluait pas l'élégance. Gossec avait préludé à cet heureux changement, mais depuis on Ta souvent entendu dire qu'il n'aurait pas fallu aller plus loin. Que dirait-il aujourd'hui de l'emploi mal- heureux des instruments de Sax au théâtre et dans no» musi- ques militaires?.... emploi étouffant continuellement la mélodie, et tympanisant les oreilles les plus vigoureusement organisées ? Espérons que cette manie du bruit aura son terme , et que les tapageurs cesseront enfin leur sabbat !...
Gossec n'entendait rien à la politique ; il avait soixante ans lorsque la révolution éclata, et son esprit était encore plein d'enthousiasme et de jeunesse. Les principes d'une réforme et les idées d'une liberté sage furent adoptés par lui : mais les excès de 4793 , jetteront le deuil dans son âme, et ainsi que Ducis, qui fut son ami, la tragédie jouée dans les rues lui fit horreur ! 11 rencontra cependant l'occasion d'exercer son talent, et d'abord il composa la musique pour les funérailles de Mirabeau, où l'on se servit pour la première fois du tam-tam, dont les sons écla- tants et lugubres produisirent sur la foule accompagnant les res- tes du grand orateur, un effet extraordinaire I Cette musique fut exécutée de nouveau, sous l'Empire, aux obsèques du maré- chal Lannes, duc de Montebello.
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Les fêtes nationales, véritables parodies des solennités répu- blicaines de la Grèce et de Rome, frappèrent l'imagination de Gossec, et il fit pour elles en musique ce que David fit en peintu- re. Ces fêtes se donnant en plein air, l'idée lui vint d'accompa- gner les hymnes et les chœurs par des orchestres composés uni- quement d'instruments à vent. Les morceaux qu'il fit alors sur des paroles de Chénier, de Coupigny, de Lebrun eurent le plus grand succès. Il en est un surtout , admirable de noblesse et d'expression religieuse; c'est l'hymne à l'Etre-Suprôme, com- mençant par cette strophe :
c Pore de f univers, suprême intelligence, » Bienfaiteur ignoré des aveugles mortels, • Tn révélas ton être à la reconnaissance, » Qui seule éleva tes autels 1 s
Signalons, en passant, une erreur commise par plusieurs biographes de Marie -Joseph Chénier, et entre autres par l'esti- mable et regrettable Charles Labitte. C'est à tort qu'ils ont attribué à l'auteur de Charles IX les paroles de cet hymne, dont ils ont fait un éloge mérité : ces paroles sont de Théodore Desorgues, petit bossu, jusqu'alors à peu près inconnu dans la littérature, souvent animé depuis par la verve de Tyrtée, et mort fou à l'hospice deCharenton. Une explication toute simple de cette erreur commise par les biographes ressort de détails que je dois à l'amitié de Panseron, élève chéri de Gossec, et ces détails sont assez curieux pour que je les rappelle.
L'incorruptible et sévère Robespierre n'était pas facile sur le choix des paroles à chanter dans les fêtes publiques. Celle à l'Etre - Suprême , décrétée sur sa proposition , allait avoir lieu, et Gosseo, ainsi que Chénier, avaient été mis en réquisition pour composer l'hymne de rigueur en ces sortes de solennités. Quatre jours avant la cérémonie, Robespierre fit appeler près de lui Sarrette, le grand - directeur de la partie musicale des fêtes nationales, et lui demanda si tout était prêt. — c Oui, citoyen » représentant , lui répondit Sarrette. — Voici les parofes de » l'hymne mis en musique par Gossec, et qui sera exécuté par » tous les artistes de l'Opéra. » Il convient de faire observer qu'à cette époque il existait entre le proconsul et Chénier, sinon une guerre déclarée , du moins une guerre sourde , et que ce dernier , en enveloppant sa pensée des formes poétiques , avait laissé percer sa haine contre la puissance criminelle , sa pitié pour l'innocence malheureuse cl proscrite dans ravant-dernière strophe de son hymne , ainsi conçue :
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» Grand Dieu , qui sous le dais fais pâlir la puissance , i Qui sous le chaume obscur visite la douleur , • Tourment du crime beureui , beeqin de l'innocence , » El dernier ami du malheur ! »
A peine Robespierre eut-il lu ces vers qu'il dit à Sarrette. avec l'accent d'une froide colère : c Je ne veux pas de cela l . . . . » Comprends -tu , citoyen ? fais faire d'autres paroles, et quant » à l'exécution , elle doit avoir lieu , non par les artistes des » théâtres, mais par les masses populaires. Vas, et obéis. » II n'y avait point à répliquer à un tel homme, et cependant une double difficulté résultait de la volonté qu'il venait d'exprimer. Quatre jours seulement séparaient cette volonté du jour de la fête : où trouver un poète pour remplacer Ghénier?... Gomment apprendre à un grand nombre de gens du peuple le chant de Gossec?... La Providence vint au secours de Sarrette éperdu. Ijb lendemain, à six heures du matin, Théodore Desorgues arriva, conduit par le hasard, chez Gossec, et lui proposa de mettre en musique des paroles qu'il avait faites sur le sujet à l'ordre du jour. Or, H se trouva qu'elles allaient parfaitement sur l'air déjà composé. De nombreuses copies du tout furent remises, aux artistes, parmi lesquels se trouvaient Ghérubini, Méhul, Berton , avec ordre de se rendre dans les mairies , sur toutes les places publiques, dans les marchés, dans les halles, accompagnés d'un renfort de violons, Eûtes, clarinettes, et d'apprendre l'hymne à l'Etre suprême au peuple souverain. Gela réussit à merveille, et le jour delà fête plus de 400,000 personnes enton- nèrent à l'unisson le chant de Gossec, avec un sentiment religieux, un élan patriotique qui ont laissé un profond souvenir parmi les contemporains assistant à cette solennité.
Gossec fit en outre pour le grand Opéra la musique du Camp de Grcndpré et du Siège de Toulon, ouvrages de circonstance, intéressant notre gloire militaire, et qui furent accueillis avec enthousiasme I C'est dans le premier de cet drames lyriques qu'un personnage, s'adressantaux Prussiens, chanta .cette ronde devenue si populaire :
c 81 vous aimez la danse
» Venez , accourez tous ,
» Boire du vin de France ,
» Et danser avec nous. »
et qu'on entendit pour la première fois , avec une mise en scène due aux soins du célèbre chorégraphe Gardel , la Marseillaise, admirablement orchestrée par notre compositeur. Rien ne
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pouvait égaler l'effet saisissant de la dernière strophe, que les soldais et le peuple chantaient à genoux en élevant leurs bras vers le ciel ! . . . Ce spectacle se conçoit, au moment où la France était envahie de toutes parts, autant qu'on conçoit peu l'étrange idée de MeUe Rachel , qui se plaît tant à jouer à la reine dans ses salons, venant vociférer sur le théâtre de la rue de Richelieu, en 4848, une hymne de guerre et d'exécration contre l'étranger, quand nous étions et voulions demeurer en paix avec toute l'Europe.
J'ai déjà raconté qu'en 1784 Gossec avait créé une école royale de chant, dans laquelle il donnait des leçons d'harmonie. Il est certain que cette école fut la source d'où jaillit, en 4795. l'établissement du Conservatoire de musique , devenu depuis si célèbre. Plus que personne il concourut à son organisation, d'accord avec Sarrette, excellent administrateur, eten fut nommé l'un des premiers inspecteurs. Sa part fut grande dans la rédaction des traités élémentaires à l'usage de cet établissement , et principalement de son solfège, si justement estimé. Lorsqu'il s'agissait de son art , Gossec était infatigable ! Il se chargea bientôt des fonctions de professeur, quand une classe de com- position fut ajoutée à celles primitivement ouvertes pour les autres parties de l'enseignement , et exerça ces fonctions avec un zèle, une ardeur remarquables Jusqu'en 4814; il avait alors 84 ans. .Ce fut peu de temps après que M. Papillon de la Ferté, intendant des menus plaisirs, le priva du petit logement qu'il tenait du gouvernement. Il s'était figuré que le bon vieux professeur était un grand révolutionnaire , parce qu'il avait mis en musique quelques chants républicains. Cet intendant avait des idées fort étroites, et cela me rappelle un joli mot de MtUe Mars, à l'époque où Louis XV11I , prince adroit et spirituel , venait, à l'occasion de cette charmante actrice , d'amnistier les violettes, fleur de ralliement des impérialistes. — « Mademoiselle, lui dit » un^jour M. Papillon de la Ferté, quand les violettes devien- » dront- elles pour vous des lys ?» Ce sera, lui répondit -elle, » lorsque les papillons deviendront des aigles. »
Quoiqu'il eût quitté l'enseignement, Gossec ne continua pas moins d'avoir des rapports avec ses collègues et avec ses élèves. Parmi ces derniers je dois citer Catel , Gas6e, Dourlen, né à Dunkerque, Androt, mort à Rome, Dauprat, QazotetPanseron, compositeur aimable, professeur distingué, qui a suivi les traces de son excellent maître en publiant sur l'enseignement des onvrages d'un haut mérite.
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Gossecavaitété nommé membre de l'Institut, classe des beaux- arts, dès l'origine de ce corps savant, et avait reçu de Napoléon la décoration de la Légion -d'Honneur , dans la superbe fête qui eût lieu au camp de Boulogne, en 1804. Il vint en aide, en cette circonstance, à son collègue et ami Méhul, pour faire exécuter le beau Chant du Départ dû à l'inspiration énergique et noble de ce dernier. Le projet de descente en Angleterre était alors à l'ordre du jour, et ce chant, entonné par douze cents instrumentistes , et faisant retentir , dans le val deTerlinctbun > tous les éflhos de la côte, produisit une impression impossible à dé- crire !.... Le César des temps modernes venait de monter au Gapitole !
Sous la Restauration, Gossec, entouré de l'estime, de l'affection des artistes et des amateurs, les voyait saisir avec empressement toutes les occasions de louer son caractère et ses travaux. C'est dans ce but que mon ami , M. Charles Laffillé, homme d'esprit et bon musicien , propriétaire du recueil annuel ayant pour titre : Le Souvenir des Ménestrels, dont je fus l'un des fondateurs, lui présenta le volume de 4846 , en tète duquel on lit ces vers :
c Toi, qu'on vanta on tous lieux ; qu'on aime et qu'on admire I
» Toi, qui pour l'Etemel fis résonner ta lyre ;
» Dont les hymnes sacrés et les brûlants accords ,
» Dès ton printemps excitaient nos transports l
» Qui par le goût réglant l'essor de ton génie ,
» Fis d'un nouvel éclat briller la symphonie ,
» Et qui sus réunir, ceint d'un double laurier ,
» L% douce voix d'Euterpe et les chants du guerrier ,
» De nos faibles tribus nous t'apportons ie gage :
» Accueille nos essais , souris à notre hommage !
» Pour nous loin de prétendre aux sublimes concerts ,
• Notre timide luth ne célèbre en ses vers
» Que les tendres amours , les bergère» naïves ,
» Anime d'un coup - d'oeil nos chansons fugitives ,
» Et que d'un noble appui daignant nous soutenir ,
» Ton nom, des ménestrels orne le souvenir ! »
J'assistais au dîner où ces vers , qui n'ont de valeur que par 1 intention, furent lus à ce vieillard vénérable, et je le vois encore tout ému , el Répondant par des larmes à 1 hommage que ses admirateurs, ses amis cherchaient à rendre à son talent.
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En 4823 les facultés de Gossec s'affaiblirent petit à petit , et la mémoire lui fit faute. De temps en temps cependant un trait spirituel , une lueur d'imagination traversaient son cerveau ; c'était réclair sillonnant par intervalles une nuit obscure . Comme toutes les personnes âgées, il -gardait principalement ie souvenir des choses et des hommes qui l'avaient frappé dans sa jeunesse. Ce souvenir était quelquefois si vif, qu'il oubliait totalement que le temps avait marché. À la suite d'un voyagé en Allemagne, Panseron étant allé le voir, il lui demanda des nouvelles de la santé de Gluck qui depuis longtemps avait disparu de la terre. Resté fidèle à ses goûts , à ses plaisirs d'au- trefois, il se rendait tous les soirs à l'Opéra-Comique, accompagné de sa bonne Catherine, et se plaçait au bout du balcon, à gauche des spectateurs. Jamais cette place ne lui fut disputée, et quand, par hasard, un étranger l'avait prise, il suffisait au vieux compositeur de se nommer pour qu'aussitôt elle lui fut rendue. Un jour, on donnait La Fête du Village voisin et le Calife de Badgad, de Boïeldieu ; au second acte de la première de ces pièces, Gossec s'endormit et ne se réveilla qu'au moment où l'on jouait le Calife : Ah! bon Dieu , s'écria-t-il ».... que font-ils » donc ? les voilà représentant La Fête du Village voisin en » costumes turcs !... »
Cependant son existence devenait à peu près végétative , et il ne la prolongea aussi loin que par les soins attentifs , délicats que lui prodigua sa bonne Catherine, aujourd'hui M"" Anseaume, femme de sens et de cœur , dans laquelle il avait placé toute sa confiance. Elle fut à la fois pour lui une intondante de sa petite fortune, et une fille tendre et dévouée. D'accord en cela avec ses amis les plus intimes, et en particulier avecSarrette, elle pensa que le séjour de Passy lui serait plus avantageux que celui de la capitale , et c'est là qu'il coula ses derniers Instants dans le cal- me le plus parfait. Sa santé se soutint jusqu'à la fin ; tous les soirs il disait à sa bonne : « allons à l 'Opéra-Comique. » Lorsque le temps était beau , elle lui faisait faire une assez longue prome- nade , et il se figurait avoir été au théâtre qu'il avait toujours tant aimé. Il s'éteignit à Passy le 9 février 4829 , à l'âge de 96 ans.
Ses amis, ses élèves furent aussitôt prévenus de la perte douloureuse qu'ils venaient de faire. Catherine (Mme Anseaume) pria Panseron de composer un morceau religieux pour les funérailles de son vieux maître, maiscelui-ci, par un sentiment de modestie qui l'honore, lui répondit que ce soin appartenait à
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Catel, le plus ancien disciple de Gossec. Gatel alors était malade : il insista pour que Panseronse mit en travail, et ce dernier improvisa pour le lendemain un Pie Jesu à quatre voix , qui fut ehanté par lui, Wartei, Ganaple et Dérivis le fils. Cette compo- sition est remarquable dç noblesse, de sentiment et d'une grande pureté de facture. Elle obtint beaucoup de succès , et depuis elle a été exécutée aux obsèques d'un grand nombre de musiciens, et entr'autres à celles de Gatel, Nourrit, Martin, Plantade, BoïeldieuetBellini.
Je n'ai pas besoin de dire que le Conservatoire, l'Institut et un grand concours d'artistes et d'hommes de lettres assistèrent à l'enterrement de Gossec. Ses restes furent conduits au cimetière de Test ( le Père - Lacbaise ). Ils reposent dans un enclos où Ton voit les tombes de Grétry , de Monsigny , de Berton , de Mébul et de beaucoup d'autres compositeurs célèbres.
Je dois maintenant essayer d'apprécier le talent de Gossec, entrer dans quelques détails intimes qui feront mieux connaître sa personne, son caractère, et à donner le catalogue aussi com- plet que possible de ses ouvrages.
VI.
Gossec , on peut le dire avec vérité , a joué de malheur quant aux œuvres qu'il a produites, en ce que telles estimables qu'elles soient, elles ont été surpassées dès leur apparition. Ainsi, il est le créateur de la symphonie en France , et dans Tannée même où il consacrait cette innovation progressive , Haydn publiait en Allemagne sa première symphonie. Ses opéras-comiques durent céder le pas à l'inimitable Grétry, et Gluck avec son grand génie dramatique et l'énergie de son orchestration, vint condamner à l'oubli les productions que le fils du Hainaut avait fait entendre sur le théâtre de l'Académie royale de musique. Ce qui surtout recommande ce dernier et fait sa gloire auprès des amateurs de l'art, c'est d'avoir régénéré la musique française, en rompant avec les vieux systèmes , les préjugés, et en la plaçant sur la route qui devait la conduire à l'état de supériorité et d'éclat où elle est arrivée. Cette gloire est d'autant plus grande qu'aux difficultés d'atteindre le but qu'il 6'était proposé , se joignait la situation obscure et précaire dans laquelle le sort l'avait fait nailre. Quel excellent esprit, quelle constance, quelle fermeté de volonté ne fallut -il pas à ce jeune villageois, gardeurde vaches, sans ressources aucunes, sans maîtres, pour débrouiller le cahos des doctrines surannées, en faire jaillir la lumière, et
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marcher , à force d'études , vers la science , en posant les bases de ces principes purs et classiques qui ont fait de notre école une école modèle ! Gomme organisateur, comme professeur, il occupe donc le premier rang, et jusque dans l'âge le plus avancé son amour de l'art lui a fait transmettre à ses élèves les heureux fruits de l'instruction profonde qu'il devait aux travaux de toute son existence. Parmi ses œuvres il en est d'ailleurs qui ne mourront pas , et de ce nombre sont sa belle Messe des morts , le Salutaris hoslia qu'il improvisa à la campagne , et plusieurs de ses chants patriotiques, entr'autres l'hymne à l'Etre suprême. C'est bien d'une semblable inspiration que l'enthou- siaste abbé Arnaud, l'admirateur passionné de Gluck, aurait pu dire : « Avec une telle musique , on fonderait une religion. » Dans tout cela il y a du chant noble, expressif, et de cette flamme prouvant que Gossec avait dans l'âme ce feu sacré qui, selon les Grecs , annonçait que le dieu était en lui I Au talent musical il unissait, ce qui se rencontre rarement, de la littéra- ture. Ses rapports à l'Institut , le texte des méthodes à la rédaction desquelles il a pris part, sont écrits avec élégance, avec clarté et pureté. Je citerai ici , comme échantillon de son style, une lettre peu connue, adressée par lui en 4840 aux propriétaires du journal musical ayant pour titre Les Tablettes de Polymnie. Ce journal avait été fondé par M. Garaudé, fort honnête homme sans nul doute , mais très vaniteux , et dont le nez et les idées excentriques ont plus d'une fois amusé les salons de Paris. M. Garaudé était alors tout italien en musique ; il faisait une guerre acharnée au Conservatoire de Paris, et, dans un article aussi ridicule que maladroit, H s'était avisé de pré- tendre que le magnifique opéra de Joseph, par Méhul, était une des plus faibles productions de ce maître , en accompagnant cet arrêt d'une analyse critique pleine de déraison et de mauvais goût. Voici ce que Gossec lui répondit : « Depuis le 6 mai » dernier, époque de mon abonnement à vos Tablettes de > Polymnie , j'ai reçu trois numéros de cette feuille ( mai , juin » et juillet). Je vous renvoie ceux de mai et juin, et je garde » celui de juillet comme un monument curieux d'injustice , ou » d'impérilie ou de délire. Je m'étais inscrit avec plaisir sur » la liste de vos abonnés, dans l'espoir de ne trouver dans votre » journal que des choses instructives, dictées par la justice et » l'impartialité. Aujourd'hui j'y rencontre des articles diflama- » toires, dirigés contre des ouvrages admirés de toute l'Europe, » et déprisés ici par quelques misérables pygmées en fait de » musique ;' des articles, dis -je, enfantés sans doute par
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» l'ignorance ou par un esprit de parti, et peut-être par un motif i plus puissant que je n'ose interpréter. Je vous prie de faire » disparaître mon nom de la liste de vos abonnés , et de vous » dispenser de m 'envoyer vos Tablettes, que je ne veux plus » recevoir. Disposez en faveur de quelque malheureux, ou » comme il vous plaira, du reste de l'argent de mon abonnement ; » j'en fais absolument l'abandon. Je suis votre serviteur, Gossec, » un des inspecteurs du Conservatoire. Paris, août 1810. »
On aime à voir le vénérable professeur défendre ainsi des hommes d'un talent universellement reconnu des piqûres d'un Aristarque dont le seul titre à la. renommée, en qualité de compositeur, est d'avoir fait l'air trivial, tant répété à une certaine époque par les orgues de Barbarie , sur la chanson du Ménage de Garçon M).
Je citerai encore, dans un genre différent, une lettre adressée
(I) Ce mémo M. G ara u dé , tout enthousiaste qu'il était alors de la musique ultramontaine , avait cepeudant déjà fort maltraité la Vestale de Spontini, que, dans sa baroque phraséologie, il trouvait en général hnpwrement écrite et remplie de barbarismes,. Hélas 1 je n'ai point oublié les misérables intrigues et les pamphlets de toute couleur qui ce ruèrent sur les ouvrages de Spontini , lorsqu'ils parurent sur notre première scène lyrique. U n'y avait pas en ce moment de oroque note qui , se constituant savant en tw, ne lançât sa critique nauséabonde sur ce maître , et ne lui donnât le coup de pied de l'Ane. Un public idolâtre, applaudissant chaque soir la Vestale ou Fernand Cortès, répondait triomphalement aux attaques impuissantes des mirmidons contre un homme d'un talent colossal. Sans doute il eut été à désirer que Spontini ne fit pas, dans l'harmonie de ses partitions, certaines fautes qu'un simple et vulgaire grammairien en musique eût évitées : mais ces fautes appréciables seulement par les peseurs d'accords , les calculateurs de septièmes diminuées et de* 'modulations plus ou moins bien préparées, que sont-elles en présence de tant de vérité, d effet tra- gique etde génie ?. .. ce que sont de légères tâches dans des diamants et des perles. J'ai connu dans le monde des gens s' amusant à rechercher froidement les solécismes pouvant se trouver dans Corneille et dans Racine, et je les al toujours grandement prit en pitié. Avec un peu de travail la science s'acquiert ; mais ce qui ne s'acquiert pas, c'est l'inspi- ration , ce présent céleste qu'on reçoit en naissant 1 C'est l'invention poétique et dramatique , qui seule donne la vie et 1 immortalité aux oeuvres de l'art ! . . . .
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le U septembre 1808 , à MeII« Laure Crétu , dont le nom a brillé pendant plusieurs années parmi ceux des actrices faisant partie de l'Opéra-Comique (1) :
c Mademoiselle, ayant appris par Mm* Moreau que vous » vouliez bien me permettre de vous faire bommage de deux » scènes, démon opéra de Thésée, je m'empresse de vous en » faire parvenir une copie. Combien je serais glorieux, Made- » sébile, d'avoir produit ces deux morceaux de musique , si vous » les jugiez dignes de faire partie de votre collection I Rajeunis, » embellis par les accents enchanteurs de votre voix et par cet » art du chant que vous possédez si éminemment, ces morceaux » acquerraient sans doute une fraîcheur, un lustre que n'a » pu leur donner ma muse, qui déjà touchait à son déclin quand » elle les créa. Enfin, si ces deux faibles productions obtenaient » votre suffrage et méritaient d'occuper parfois un moment vos » loisirs, elles seraient du plus grand prix à mes yeux et 9 deviendraient pour moi un juste sujet de fierté. — Je suis, » avec un profond respect , Mademoiselle , votre très humble et i obéissant serviteur, Gossec. »
Cette charmante lettre n'exhale - 1 - elle pas ce parfum de galanterie respectueuse, de grâce chevaleresque que le compo- siteur avait puisées, aux plus belles années de sa vie, dans les salons de M. de la Popelinière et de Monseigneur le prince de Cooti?....
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Gossec était de petite taille , gras , d'apparence un peu lourde, et toute sa personne offrait le spécimen de certains personnages flamands des tableaux de Metzu et d'Ostade. Sa figure régulière, blanche et rosée respirait le calme et la bonté. Dans son œil d'un , bleu gris, il y avait de l'animation quand il parlait de son art , et de la finesse lorsqu'il appréciait les artistes ses contemporains. Il portait la tète un peu penchée vers le côté gauche , et était resté fidèle au costume et aux habitudes d'autrefois (2). Je le vois
(1) Mooarai Panseron m'adresse à l'instant ce précieux autographe, appartenant à une de ses lantes.
(2) Ses traits ei sa tournure sont fidèlement reproduits dans l'eeu- forte accompagnant cet article. Je la dois à M. Charles Covrtln, secrétaire - général des mines d'Anzin , qui l'a faite d'après un dessin de Quenedey.
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encore en 480$, lors de mon premier voyage à Paris , avec mon père, son compatriote et son ami, s'acheminer, en donnant le bras à ce dernier , vers l'estaminet hollandais existant a cette époque, près du passage du perron du Palais -Royal (i ). Il portait la poudre et la queue , un petit chapeau à trois cornes couvrait sa tèle, et il était vêtu d'an large habit gris, d'un gilet de piqué blanc, d'une culotte et de bas de soie noire. De grandes bou- cles d'argent attachaient ses souliers, et il tenait à la main un gros jonc à pomme d'ivoire. Arrivés à l'estaminet, les deux amis, en fidèles enfants du Hainaut, se mirent à fumer leur pipe et à boire de la bière , s'entretenant des campagnes de leur pays, des courses en patins sur la Sambre et des belles chanoinesses du chapitre de Maubeuge. Puis nous nous rendîmes au théâtre Feydeau , où l'on donnai l ce soir -là la Fausse Magie et Richard Cœur -de -Lion, ce chef- d'œuvre de naturel et de grâce dans lequel Elleviou enchantait toute la capitale. C'est lors d'un autre de ces séjours à Paris que je fis* avec mon père un dîner chez Gossec, place des Ha liens , dtner qui a laissé dans ma mémoire des traces ineffaçables ! En sortant de table, on passa au salon, et Mébul , l'un des convives , m'accompagna au piano l'air du médecin de son opéra d'Euphrosine et Coradin, et les trois premières strophes de Y Hymne à l'Etre - Suprême. J'avais alors une belle voix de baryton , et je sentais vivement la musique, pour moi le plus impressif et le plus cher de tous les arts ! Gossec parut fort content, pressa mon père de me confier à ses soins, et de me laisser entrer au Conservatoire : mais celui -ci répondit qu'il m'avait destiné au barreau, et que rien ne pouvait
(1) Mon père, Nicolas - Joseph HAdoti in, élaît né à Maubeuge , le 98 janvier 1705, et avait été baptisé à la paroisse de Saint - Pierre. J'ai sons les yeux relirait der son acte de baptôme, légalisé en 1788, par M. Augustin - Pompée Hennet , conseiller do Roi , prévôt , juge royal, civil et criminel des ville et prévôté de Maubeuge. Mon père a successivement occupé les places de contrôleur, directeur, contrôleur général et directeur - général des postes et relais de France. En 1 793, lors du procès de Louis XVI , il donna sa démissiou de directeur- général des postes des armées de la République , et fut obligé de fuir pour ne pas être guillotiné. 11 reprit du service après la Terreur et mourut inspecteur -général , dans une de ses tournées, a Pouzauges, département de la Vendée , le â octobre 1308 , a l'âge de 43 aus. Il avait fait la connaissance de Gossec chez M Rigolet de Juvigny, intendant - général des postes.
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ehanger cette détermination prise en famille. Gossecallà chercher quatre partitions provenant du dépôt des fêtes nationales, YJphigénie en Aulide de Gluck , les Dandides de Saliéri, l'Œdipe H Ut Chimène, de Sacclrini, dont il me fit cadeau. La dernière de ces œuvres est encore en ma possession , et porte , sur sa cou- verture, ce titre en lettres d'or : Directoire. On me pardonnera, je l'espère , ces détails un peu personnels , parce qu'ils aident à peindre Gossec dans son intérieur, et sont une preuve de sa bienveillance envers la jeunesse. Cette bienveillance était extrême ! Ses nombreux élèves l'ont surtout ressentie, et chaque jour il leuren donnait de nouveaux témoignages. Bien différent» sous ce rapport , du grand maître Ghérubini , si sévère , et l'on pourrait même dire si bourru quelquefois dans son enseignement, Gossec craignait toujours de blesser, de décourager les jeunes gens suivant sa classe. Ainsi, quand on lui présentait un travail ne le satisfaisant pas entièrement , il avait pour habitude cons- tante d'employer cette locution originale: « Mon ami, c'est » bien cela ; mais cependant ce n'est pas ça. »
Dans le monde, il était aimable, spirituel et conteur fort amusant. Tous les événements de la vie , tels pénibles qu'ils fussent, étaient acceptés par lui avec une philosophie pratique qu'il devait, sans doute , non - seulement à son caractère , mais encore aux rudes épreuves de ses premières années. J'en citerai un exemple. Le jour de l'enterrement de Grétry, en septembre 1843 , il était dans la première voiture du convoi, défilant sur le boulevard Poissonnière. On fit arrêter, afin qu'il rentrât chez lui , aux Menus Plaisirs ; mais personne n'eût la pensée de lui offrir la main pour descendre. Le pauvre vieillard tomba , la tète sous les roues de la voiture, et fut recueilli dans un magasin, à deux pas de l'endroit de sa chute. Heureusement il ne fut point blessé. Il racontait en riant et d'une façon tout - à - fait drôle sa mésaventure : « Les basques de mon habit , la queue » de ma perruque, disait -il, ont fait tampons, et m'ont » préservé de tout mal. Ne dois - je pas , d'ailleurs, être charmé » de cet accident, puisqu'il m'a valu les secours et les soins de » dames aussi belles que bonnes ? »
Quelques personnes pourront trouver frivoles les détails dans lesquels je viens d'entrer, mais ces détails m'ont paru ne pas manquer d'intérêt, parce qu'ils concernaient un homme célèbre, pourquoi n'aimerait -on point à savoir ce que cet homme était dans l'intimité ? C'est ce qui donne tant de charme aux narra- tions de Ptutarque , qui ne craint pas de présenter à ses tee-
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leurs les plus grands héros des temps antiques en déshabillé. Comme je l'ai dit à l'occasion de Talma, dans un écrit qui n'a été connu que de quelques amis : « J'ai toujours aimé à voir de » près les hommes distingués, à les surprendre, pour ainsi dire, » hors du rôle que par état ils sont appelés a jouer sur la scène » du monde. Aussi avouerai -je que c'est avec un vif sentiment » de plaisir que j'ai lu tout ce que Bernardin de Saint- Pierre a » écrit sur la vie intérieure de J.-J. Rousseau. Il raconte des » particularités bien plus puériles que celles retracées dans cette » biographie : mais il est vrai d'ajouter qu'il les a revêtues du » coloris de son style admirable , et que malheureusement pour » moi et pour mes lecteurs , je suis loin de pouvoir présenter la » même excuse. »
Je finis en adressant mes remerciements aux amis des arts qui m'ont aidé à accomplir ce travail , en me fournissant des rensei- gnements en grande partie inédits. Parmi eux je nommerai principalement MM. Panseron, Dtnaux, Michaux aîné, d'Avesnes, et Estienne, de Maubeuge. Je ne dois pas non plus laisser ignorer que j'ai largement puisé dans l'excellente Biographie des Musiciens du savant M. Fétis, pour établir le catalogue, aussi complet que possible, des ouvrages de Gossec.
musique D'éeuas.
1. — Plusieurs messes , avec orchestre.
2. — Un assez grand nombre de motets composés pour l'église et le concert spirituel, parmi lesquels se trouve un Exaudiat redemandé plusieurs fois.
3. — La Messe des Morts, gravée en 1760. — Les planches de cette messe n'existent plus.
4. — Un Te Dewn très goûlé.
5. — OSalutaris Hostia ! a 3 voix, sans accompagnement, improvisé chez M. de La Salle.
J'ai raconté les circonstances dans lesquelles ce morceau fut composa.
6. — Plusieurs oratorios, entre autres celui de la JVfctivft*. — M. Fétis rappelle qu'il y avait dans cet ouvrage un choeur d'anges trèa remarquable qui se chantait au-dessus de la voûte de la salle du concert spirituel.
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MUSIQUB »B THEATRE.
Au Grand- Opéra.
7. — En 1773, Sabmue, en S acte*.
8. — 1775. Alexis et Daphnée, 1 acte.
9. — Même année , PhQémon et Bauois, 1 acte.
10. — 1776. Bylas et Sihie , 1 acte.
11. — 1778. La Fête du village, 1 acte.
12. — 1782. Thésée, paroles de Quinault , 5 actes. 15. — 1195. La reprise de Toulon.
14. — id. Le camp de Grandpré.
a la combdib ITALIENNE (Opfra- Comique. J
15. — 1764. Le faum Lord, 1 acte.
16. — 1766. Les Pécheurs, 1 acte. — C'est l'opéra de Gossec qui a survécu le plus longtemps. On le donnait encore en province il y a 30 ans.
17. — 17K7. Tomon et Toinette, 1 acte.
1S. — Même année, le Double Déguisement, i acte, n'ayant eu qu'une seule représentation.
19. — Les Chœurs d'Athalie, pour la Comédie- Française. Ces chœurs furent repris pour une représentation à bénéfice donnée à l'Opéra, et conduits par Persuis. An dernier, on avait substitué le grand chœur fugué en ut, de la création d'Haydn. Gossec n'avait pas été pré- venu de celte substitution, et dit en ce moment à Persuis : « Mon > ami , les chœurs d'Mhalie sont bien de moi , n'est - ce pas ? » Eh bien 1 eu voilà un fort beau , mais que je no reconnais » nullement ! » Il avait alors 90 ans.
Il a laissé en portefeuille quelques opéras inachevés, entre autres une Nitocris à laquelle , suivant M. Fétis , il travaillait encore & l'âge de 79 ans.
MUSIQUE POUR LES FÊTES NATIONALES.
20. — Chant du 1 4 juillet [Dieu du peuple et des roisJ)
21 . — Hymne pour la fête funèbre en l'honneur de Marat et Lepeiletier (S'il est vrai quwde nous quelque chose survwé) , paroles de Mercier de Compiègne.
22. — Chant martial ( Si vous voulez trouver la gloire. )
25. — Ode sur l'enfance (Age de l'aimable innocence), paroles de Paulin Crassous.
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24. — Chant patriotique pour l'Inauguration des bustes de Marat et Lepelletier (Citoyens dont Borne anUque), paroles de Coupigny.
25. — Chant patriotique sur le succès de uos armes ( Triomphe, éternelle gloire), paroles du môme.
26. — Trio pour la fête de l'hymen (Fuyts d'ici, cœurs insensibles ), paroles de Lebrun.
27. — Chœur pour la fête de l'Etre - Suprême (Peupla, éveille- toi, romps tes fers. )
28. — Hymne a l'Etre - Suprême (Père de T univers) , paroles de Théodore Desorgues.
29. — Hymne à la liberté ( Vive à jamais la liberté).
30. — Autre (Auguste et constante image).
31 . — Hymne à l'humanité ( 0 mère des vertus ! )
32. — Hymne à l'Egalité (Divinité tutélwre).
33. — Hymne funèbre aux mânes des députés de la Gironde.
34. — Hymne patriotique (Peuple, réveillé -toi t )
35. — Hymne à 3 voix , pour la fêle de la Réunion.
36. — Chant funèbre pour la mort du représentant Péraud. 37: — Serment républicain (Dimpmssaut ! )
38. —Chœurs et chants pour l'apothéose de Voltaire, paroles de
Cbénier. 3& — Idem pour l'apothéose de Rousseau.
40. — Musique pour l'enterrement de Mirabeau.
41 . — Diverses marches.
42. — Orchestration de l'hymne des Marseillais.
Tous ces morceaux étaient gravés en petites feuilles, avec la basse et en partition. Ils se vendaient au magasin de musique à l'usage des fêtes nationales , rue Joseph, n° 16. J'en ai réuni un certain nombre trouvés sur les quais de Paris, sous l'Empire.
MUSIQUE INSTRUMENTALE.
43. — 29 symphonies a grand orchestre , dont 3 pour instruments à vent.
44. — 3 œuvres de 6 quatuors pour 2 ▼fotons, alto et basse.
45. — S œuvres de trios pour 2 violons et basse.
46. — 2 œuvres de duos pour 2 violons.
47. — Six sérénades pour violon, flûte, cor, basson alto et basse.
48. — Une harmonie concertante pour once instruments obligés.
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40. — Plusieurs ouvertures détachées dont une de chasse , qui eût un grand succès, et donna sans doute A Méhul l'idée de sa Chasse du jeune Henri.
Toutes ces pièces furent gravées à Paris , et publiées chex Ver- nier, Baille ux, Siéber, Lachevardlère et Leduc.
UTTÉBATUHE MUSICALE.
50. — Exposition des principes de la musique , servant d'introduction aux solfèges du Conservatoire.
51. — Rapports A l'Institut sur les progrès des études musicales, et sur les travaux des élèves de l'école de Rome.
52. — Rapports divers sur des instruments ou des méthodes soumis A l'examen de l'Institut ou du Conservatoire.
MUSIQUE ÉLÉMENTAIRE.
53. — Un grand nombre de morceaux A deux, trois on quatre parties, dans les solfèges du Conservatoire.
Ce n'est pas sans raison que M. Fétis a fait les observa lions suivantes : c Une récapitulation si considérable, bien qu'abrégée, » doit frapper d'étonné ment , si L'on fixe son attention sur les » nombreuses occupations qui ont rempli la vie de Gossec, soit • comme professeur, soit comme directeur de divers établisse- » ments de musique , soit enfin comme inspecteur du Gonser- » vatoire. »
P. HÉDOUIN, Membre des Sociétés académiques des Enfants d'Apollon et de 5 te. -Ceci le de Paris; ancien chancelier des Philharmoniques de Boulogne.
PIÈCES SX PATOIS
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11 y a des savants qui prétendent que le mot patois tire son origine de certaine patavinité qu'Asinius Pollio reprochait à Tite- Live*. Ce dernier étant de Padoue , nommée Patavium en latin, on tirait de sa ville natale le nom du défaut qu'on lui imputait. Mais était-ce d'une imperfection de langage, d'une mauvaise prononciation ou d'une façon de penser inhérente à la patrie de Tite-Live qu'il est ici question ? On a fait un beau livre là-dessus (4), et l'on n'en sait pas davantage. Nous aimons bien mieux voir venir le mot patois du latin patrius ; c'est le sermo patrius, la manière de parler du pays , conservée par les fils qui l'ont appris de leurs pères ; c'est le langage de la patrie.
M. Génin, dans son livre Des variations de la langue française, a dit ( p. 299-300 ) : c Le patois. ... n'est autre chose que l'an- » cienne langue populaire, c'est-à-dire la véritable langue fran- » çai8e, notre langue primitive, qui s'est déposée au fond de la » société et y demeure immobile. C'est de la vase, disent avec » dédain les modernes ; il est vrai , mais cette vase contient de » l'or, beaucoup d'or. • M. Génin peut avoir raison , il y a de l'or dans les patois, mais il faut les faire passer au creuset, à l'aide d'habiles opérations, pour en dégager le précieux métal.
Les patois sont les antiquités du langage : ainsi que nous l'avons dit autrepart , ils sont traditionnellement gardés par les campagnards , plus conservateurs sur ce point que les citadins, toujours prêts à se conformer aux modes du temps dans lequel
(i) Daniel Georgius Morhosius fit paraître à Kiel. en 1685, un traité De Patavinitate Uvianâ.
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ils vivent. Si l'on veut être fixé sur le patois parlé dans chaque province, voire même dans chaque canton, il commence à devenir urgent d'en rassembler quelques données , d'en réunir les documents épars, d'en saisir les formes essentiellement changeantes et variées, car les patois, hélas ! sont comme tout ce qui est ancien, comme les Dieux, comme les Rois, ils s'en vont !
11 y a deux cents ans, les patois Gambrésien et Rouchi étaient parlés par les nobles et les chefs du pays, ce qui est attesté par les paroles du baron d'Inchy, gouverneur de Cambrai, dont la cita- delle fut surprise en 1581 par les gens du duc d'Alençon, tandis que ce prince était reçu à dîner dans le fort par le seigneur cambrésien. On vint dire à l'oreille d'Inchy pendant le repas que les Français de la suite du duc se présentaient au pont de la citadelle : Hé ben I hé qu'on les laische eintrer, il n'y a mie deinger, m'est à voir ! Puis on l'avertit que ses propres gardes étaient désarmés par les gens du duc, il s'écria : Hé commeint ! commeint chelà ? éteinde el mesche de mes geins et desarmer ma soldatesque ? hé chela n'est mie la raison; hé ! Monchieux, hé! qu'esche chechy ? hé! je ne pense mie que votre Altesse enteinde chela? A quoi M. le duc d'AIençon en souriant, ne répliqua, dit dans ses mé- moires le duc de Sully présent à cette scène de trahison , qu'en se moquant du patois cambréuen du seigneur d'Inchy.
Dans le siècle dernier , les gentilshommes du pays ne s'expri- maient plus en patois avec leurs supérieurs et leurs égaux ; ils s'étaient soumis à la mode et au langage français, mais du moins ceux qui vivaient à la campagne comprenaient le patois et le parlaient même avec leurs inférieurs. Dans les villes, la petite bourgeoisie dont les rapports avec les paysans étaient fréquents, les domestiques et les ouvriers, qui presque tous étaient des campagnards dépaysés, usaient largement du patois. Il n'était pas rare de voir des magistrats en fonction , des juges sur leur siège, adresser la parole en patois à des justiciables ou à des témoins.
Peu à peu ce relâchement dans le langage a disparu et a été remplacé par un accent ou de simples défauts de prononciation ; non seulement le patois se perd dans les villes en y laissant dans le parler familier quelques expressions du pays, mais même l'idiome flamand, qui, ayant une toute autre origine, pré- sente une différence bien plus tranchée, recule peu à peu devant la langue française, qui reste déjà la seule dominatrice des cités. Le niveau passe sur le langage comme sur toutes les autres choses de ce inonde, et bientôt il faudra aller rechercher dans les
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villages les plus écartéset les hameaux isolés les traces du vieux et pur patois rouchïct wallon. On cite tout-à-fait comme exception ce maire d'une petite commune de nos contrées, qui, procédant dernièrement à la célébration d'un mariage , traduisait à sa manière les termes sacramentels du code Napoléon : Eh ben ï Franchois Nt disait-il, cha vos fati-y plaisi d'prende Catelaine N. pou vo feme; et vos, Catelaine N., cha vos fait - y plaisi d'prende Franchois N, pou vot hom ? Tous les journaux out répété cette naïveté rurale qui n'eût pas étonné le moins du monde il y a cent ans.
Les pièces écrites en patois deviennent surtout de plus en plus rares. C'est ce qui nous a suggéré l'idée d'en réimprimer ci- après quelques fragments épars. Le prince Louis -Lucien Bonaparte, savant modeste, qui s'occupe spécialement de linguis- tique et qui a réuni une des plus vastes collections de livres sur les langues et les patois , s'étonnait beaucoup , à son dernier voyage à Valenciennes , que la ville et même l'arrondissement qui avait produit le Dictionnaire rouchi-français (par Hécart), ne lui offrit aucune production imprimée en ce même patois. Un dictionnaire, disait - il très logiquement, suppose des œuvres antérieures qui ont dû rendre sa publication nécessaire ; où sont ces œuvres ? L'illustre linguiste ne les a pas trouvées, car elles n'existent pas. Le Rouchi proprement dit est à l'état de tradition parlée dans les campagnes et dans la classe la plus infime des villes. Ce qui en reste de plus saisissable , ce sont quelques chansons populaires redites par les vieillards, et les proverbes rimes les plus vulgaires répétés d'âge en âge jusqu'à nos jours.
Pendant l'occupation étrangère dans le département du Nord, en 1846 , 4847 et 1848, on a vu les troupes russes, cantonnées sur la rive droite de l'Escdut et les deux rives de la Sambre , se mêler fraternellement avec les habitants des hameaux, vivre avec eux dans les fermes et les chaumières , aider aux travaux domestiques et faire la moisson. Les Russes, qui ont la faculté de parler les langues étrangères sans accent, avaient parfaite- ment saisi le patois de nos campagnes. Les simples soldats ne savaient pas d'autre français que celui-là. C'était quelque chose de très bizarre de voir et d'entendre des Cosaques du Don trinquer au cabaret en un jour de kermesse avec les gens du pays, et leur dire en leur versant à boire : Bos eune fosl [Bois un coup ! ) avec l'accent le plus renforcé des vieilles communes d'Onnaing ou de Quaroube. Quelques- uns de ces bons Russes, s'estimant heureux d'être initiés (à ce qu'ils croyaient) à la langue française, se proposaient, à leur retour dans leur pays,
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d'apprendre ce langage aux enfants de bonne famille, selon le mode d'éducation russe , ce qui devait , disaient -ils , leur pro- curer d'immenses avantages. Il faut espérer» dans l'intérêt de la noblesse moscovite» que cette propagande du plus pur rouchi n'a pas eu de grandes suites (1).
Ces mêmes soldats étrangers au sol et au langage chantaient aussi avec beaucoup de facilité les chansons pa toises du pays ; ils les avaient apprises en même temps que les jeux et les danses de la contrée. Ces choses-là s'apprennent toujours quand on est jeune : les Français ont fait preuve de la même aptitude chez presque toutes les nations de l'Europe.
Les chansons en patois rouchi, lillois ou wallon, qui ont eu le plus de réputation dans notre contrée , sont celles composées par F. de Cottignies , dit Brûle Maison, contre les habitants de Tourcoing qu'il ménagea peu dans ses couplets. Elles sont très connues et ont été publiées à Lille en au moins neuf recueils in-24. On peut ajouter, comme pièce populaire, la Chanson de Gayant, au son de laquelle tous les Douaisiens, qui se donnent le titre d'Enfants de Gayant , ont été bercés. Yoici le premier des douze couplets dont ce cantilône se compose :
Allons, veux -tu venir, compère,
Al procension de Douay ?
AL est ai joulie et si guaye,
Que de Valencienne et Tournay
De Lille, d'Orchie et d'Arras ,
Les pus pressés vienn't à grands pas. Tra la la la la, etc.
Le cynique Du Laurens, dans son Histoire de ta procession du
(1) On citait à la môme époque de l'occupation étrangère, un militaire de l'armée alliée, qui, assistant dans un ménage à l'éducation donnée à un tout jeune enfant de la campagne , en avait retenu les expressions enfantines à l'aide desquelles on cherchait à se faire entendre du bambin. Les mots dodo, loîo, dada, bobo, bébé, nanan, pipi, etc., et tous ceux qui indiquaient les principales nécessités de la vie, étaient employés continuellement par lui pour parler du sommeil, du lait, du cheval, de la douleur, d'un mouton, d'un gâteau, etc. On assure que rien n'était plus singulier que ce langage de la tendre enfance dans la bouche d'un soldat au visage basané ombragé par une épaisse moustache.
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grant Géant de Douai, donne aussi une chanson patoise que nous ne pouvons publier en entier, à cause de sa crudité; elle corn-» mence ainsi :
A la fôte sous l'ormiau,
Dansant avec les fillettes ,
Nous n'avions mi de capiau ,
De cauches , ni de brayeUes ; «
Et quand nous faisions des sauts ,
Nos kemîses étoient trop courtes ,
On voyoit nos a flûtiaux.
L'ancienne caribile du Tournaisis a aussi sa chanson patoise que Ton se plaît à répéter ; c'est celle des Cinq clochers de Notre- Dame. Pour être moins ancienne, elle n'en est pas moins populaire , car il n'y a pas d'enfants de trois ans à Tournai et même dans les villages voisins qui n'en sache au moins le refrain. L'auteur est Eugène Le Ray, teinturier de Tournai, qui, comme Antoine Clesse, l'armurier de Mons, chante pour se délasser de ses travaux. Le sujet est le voyage à Paris d'un ouvrier Tournaisien, qui se sent malheureux dès qu'il a perdu de vue les cinq clochers de la cathédrale ; ces couplets , dit M* Achille Jubinal , ont beaucoup de naïveté (trop peut-être dans certains passages) ; on y voit éclater çà et là , car exemple dans le reproche de la mère à son fils , dans ces larmes qui s'échappent des yeux du pigeon voyageur en n'apercevant plus ou en revoyant les clo- chetons de son église , ce symbole de la famille et de la patrie, une sensibilité charmante et quelque chose qui émeut vivement. Nous donnons ci-dessous, moins quelques strophes , la chanson d'Eugène Le Ray ; elle demande à être débitée avec verve et en-train, à la manière de Levassor et d'André Hoffmann.
A la kermesse de Mons qui a lieu chaque année au mois de juin , et dans laquelle on rappelle le souvenir d'un dragon tué par le seigneur Gilles de Ghin , on chante encore un vieux refrain populaire qui est resté dans la mémoire de tous les habitants du Hainaut :
Nos irons vir l'car d'or A l'procession de Mon ; * Ce s'ra l'poupée Saint Georg' ,
Qui no' suivra de long , C'est l'dou~dou, c'est l' marna, C'est l'poupée , poupée, poupée,
C'est l'doudou, c'est l'mama, C'est l'poupée Saint-Georg' qui va.
(3« série, t. 3), 3
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Les glus du rempart,
Riront comm des kiards De vir tant de carottes,
Les gins du culot
Riront comm1 des sots, De vir tant de carot' à l'eu'pots.
M.*Hécart , tout en regrettant de n'avoir pu se procurer une comédie en rouchi , qui passait , en son temps , pour le chef- d'œuvre du théâtre desmarionettes , et qu'on jouait sous le titré de : La Gaugue de Moléniaux, ou la princesse sortie dune gangue (noix), en a publié une autre : Jean oVEscauaguvres, pièce en un acte et en prose, par Joseph Ransart, garçon tailleur ; elle est im- primée a la suite de la 3e édition de son Dictionnaire rouchi- français. Valenciennes, 4834, in-8°, 8 pages.
Le patois s'employait encore dans des couplets de fête , des compliments de prise d'habit religieux, des solennités de jubilé, des réceptions de nouveaux seigneurs, et des entrées en posses- sion d'abbayes. C'est ainsi qu'il nous est resté des pièces en vers patois en l'honneur des abbés de St.-Amand, de l'ordre dé St.*-Benottt seigneurs et bienfaiteurs delà petite ville dont leur riche et splendi de monastère formait la plus remarquable partie. Nous publions plus loin un spécimen de ces congratulations burlesques.
Quand jadis Un enfant du pays passait licence ou prenait le bonnet de docteur, fut-ce même de théologie, on le congratulait ou en vers latins ou en vers patois ; les poètes du pays n'osaient pas souvent aborder la langue de Corneille et de Racine ; ils sentaient trop leur insuffisance , aussi usaient ils de préférence de l'idiome vulgaire ou de celui du peuple - roi dont ils restaient imprégnés à la suite des études classiques. Ces deux extrêmes supportaient mieux la médiocrité de la pensée let du style , et sauvaient quelquefois, par la forme, la pauvreté du fonds. Nous donnerons ci -après un speeimen de ce genre de poésie, com- posé en 4620, en parois liégeois , à l'occasion de l'admission au doctorat de Mathias Navœus, de Liège, pasteur de Saint-Pierre à Douai. Cette pièce est devenue rare et n'a pas été reproduite dans le Choix de chansons et poésies wallonnes (Pays de Liège), recueillies par MM. B*" et D"* {Bailleux et Déjardin.) Liège, F. Oudart, 4844, in-8«.
Le patois de Liège est très difficile à comprendre pour les personnes qui ne sont pas du pays ; c'est cependant la province qui a produit le plus d'écrits imprimés dans l'idiome vulgaire.
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On pourrait former un petit théâtre patois de toutes les pièces dramatiques rédigées ainsi : on a David et Jonathas ; Li Ligeoi egagy* opéra burlesque en deux parties, musique de Bornai ; Li voegge di Chofontaine ; Li fiesse di houUsi-plou ; et Les Ypo- eonte; ces opéras liégeois ont été réimprimés dans la patrie dé Grétry, en 48*0, in-24. Plus récemment , M. C. N. Simonon à publié des Poésies en patois de Liège, précédées d'une disser- tation grammaticale ; et M. Ferd. Henaux a mis au jour des Etudes historiques et littéraires sur le wallon, qui ont eu plusieurs éditions.
Après Liège , lions est la viNe qui s'est le plus égayée à l'aide des productions pa toises. DeUnoUe , le chantre de Pipine et de Dédeffe, deux commères populaires, a ouvert la marche ; M. C Letellier, curé de Wasmuel, puis de Beraissart, a publié en 4843, ou profit des paufes dé s'villàge, des fables de Lafontaine tournées en patois de la manière la plus plaisante. Elles ont eu deux éditions. En 4845, le même ecclésiastique a livré au public, toujours dans l'intérêt de ses pauvres, un Armonaque de Monst qui s'est renouvelé chaque année et qui a été imité, ce qui devait arriver sur la terre classique de la contrefaçon. Aussi a - 1 - on vu paraître bientôt Les cont? dé quiés, almanach montais, et YArmonac du Borinage, in patois borain ; mais les imitations ne valent pas l'original.
A Cambrai , l'z'épistoles kaimberlotes de M. Henri Cation et les Arménas $ Jérôme Pleumecocq, dit ch'Fissiau, ont eu assez de retentissement en 4 840 et 4 844 , mais le volume en patois le plus remarquable de ces dernières années est sans contredit celui qui contient les Chansons et Pasquilles lilloises, par M. Desrousseaux, Lille, 4854, in-42. Cet ouvrage contient une notice sur l'ortho- graphe du patois de Lille que l'auteur soumet à quelques règles générales fondées en raison ; il donne aussi un petit vocabulaire qui vient en aide au lecteur étranger à notre langage vulgaire. Les Pasljuilles lilloises peuvent être considérées comme écrites en bon Daru, patois particulier qui semble appartenir aux habitants de la paroisse de Saint- Sauveur de Lille, au dire de Panckoucke, le chef de là famille du traducteur de Tacite (4). M. le docteur Escallier, de Douai , a aussi éclairci dernièrement beaucoup d'origines de mots ou façons de parler populaires par la publication de ses Remarquée sur le patois, impr. à Douai, chez
(I) BataMedeFontenoy, en vers burlesques. Liile, 1145, in-8«. i>. 44
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Adam d'Àubers, 1851, in-8o. Enfin, Madame Marceline Desbordes- Valmore, la Sapho Douaisienne , n'a pas dédaigné d'employer l'idiome Rouen i pour toucher plus facilement le cœur de ses concitoyennes en les implorant en faveur d'une œuvre de charité. Nous publierons cette incursion de la muse du Nord dans le domaine du patois du pays et nous terminerons notre recueil par la fable de La Cigale et de la Fourmi, en rouchi, et par celle du Rat de ville et du Rat des champs, convertie en chanson picarde, sur l'air : Bonjour, mon ami Vincent.
Nous demandons humblement pardon à nos lecteurs de les entretenir si longuement de sujets et de pièces de poésie qui passent parmi le plus grand nombre pour des choses communes et de mauvais ton ; mais nous jugeons qu'il est temps , si l'on veut encore étudier sur le vif ces révélations du passé comme les appelait un érudit t de les produire et de les réunir avant que les effets du nivellement général du langage , demandé à la Convention nationale par l'abbé Grégoire, dans son rapport Sur la nécessité et tes moyens d'anéantir les patois, se soient entière- ment produits. Consacrons donc une heure perdue au parler Rouchi, que feu de Reiffenberg faisait , avec assez de raison, dériver de rustica (1) : Ainsi, selon lui , la langue rouchi ne serait autre que \zlingua rustica ou le dialecte vulgaire, né de la corruption du latin , et aurait conservé dans son nom patois l'appellation que cet idiome a reçue dès le principe. Relisons enfin quelques vieilles strophes et chansons de ces rustiques poètes du pays wallon ; que nos plus rigides lecteurs ne répugnent pas trop au son rude de ces poésies populaires, sans quoi nous leur dirions avec l'écrivain que nous citions tout- à- l'heure ; Si les vrais savants ont , comme le docteur Pancrace, une oreille pour les langues scientifiques et étrangères, et une pour la vulgaire et la maternelle , nous les supplions de nous prêter cette dernière pour un court instant.
A. Dinaux.
(1) L'u, en effet, se prononçait ou ; le c, dans les mots dérivés du latin, devenait souvent che (comme mouche de musca, etc.), et la plupart des vocables ainsi formés 6e dégageaient des syllabes du milieu ; comme veille do vigilia, œil û'oculus, prendre de prehendere, etc.
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VERS
ADÛKSSÉS A LEURS ALTESSES LES PRINCES ET PRINCESSES DE SOUBISE (0.
A LEUR ARRIVÉE À LILLE (4730).
En patois de Drochy (2).
Quand on serait dix pieds en tierre, Unne ratfelle de molin au travierre, On vodroit revenir de seur , Pour vire tant de si gros seigneurs.
No gouvreneu qui aime Lille,
Veut bien nous faire vire se famille ;
Y peuttent venir à grament,
Peut-on mieux vire que des braves gens.
Y nous ameine sen mennage , Gha fet des gens comme de z'ai mages ; On est charmé quant un les voit, Gha fait plaisi à les Lillois. «
A MADAME DE SOUBISE.
Se femme qu'elle est no gouvreneressc, Fet un peut dire une grande Princheresse,
(!) La princesse de Soubiseet sa fille, accompagnées de Madame de Marsan el de Mademoiselle de Molun, que le cardinal de Rohan- Soubise avait suivies , furent* complimentées à leur entrée à Lille en 1750, et le Magistrat offrit aux dames trois coiffes garnies de dentelles du pays, dont l'une coûtait 1,797 livres, la seconde 1,100 et la troisiè- me mille livres. - C'était un reste de l'ancienne coutume de nos pro- vinces qui voulait que Ton fit toujours un riche cadeau aux princes sou- verains et aux gouverneurs le jour de leur joyeuse entrée. a. d.
(2) Drochy, drolâ, sont deux mots patois qui signifient en cet endroit- ci, en cet endroit -là. Le nom de rouchi, donné à l'idiomo vulgaire do nos cantons wallons , ou au langage de cet endroit-ci , vient de la pre- mière do ces expressions, a. d.
/*
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Y sont apairiés tous au mieux, L'un et l'aute y sont bien régneux.
Ch'est le troisième qui a pour compagne, Ghelle d'ache-t-heure vient de l'Allemagne, No reine vient de la aussi, No Roi, no prinche ont bien cueusi.
I fodroit pour nous faire rire, Qu'elle serait rateint sans oourire ; Nous n'y mettrons point empêchement, Quand le solay luit, eba peut grament.
I n y a point là pour huit jours d'ouvrage Et quand cha serait che serait mennage, Jo vodrois que j'advamnerois vrai, Qui m'en coûterait un pus bielle bay.
A MADEMOISELLE DE SOUBISB.
1 vient cbeu qui nous rend bien -âge, Le fille de sen premier mariage ; Quoique c'hest Je la chaire de Bottillon, Ni a du rot qui n'est point si bon.
On peut bien l'appeler mameselle, Et si elle wette derrière elle, Elle est en lieu et plache pour cha ; Heureux le prinche qui l'ara.
On parle déjà de le marié, •
No Roi à cha sera accouté ;
Quoi qu'elle n'euchc que quinze ans bètot,
De le jeonne chare, rembourdit au pot.
A MADAME LA PRINCESSE DE MARSAN.
Dedens chele noble quennuée, Nous véons aussi arrivée Unne Princheresse du même tonniau, On peut bien dire que c'hest du biau.
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C'hest unne des braves femmes qu'un peut vire, C'est unne Soubisb, c'hest tout dire ; Sen homme dedens seu vivant Estait couronel de Marsan.
A MONSEIGNEUR LE CARDINAL DE SOUBISB.
Pour renclorre tous ches grosses es tiette, Nous véons un homme à barette ; Gh'est le frère de no gouvreneu, Se médale pend à un reuban bleu.
Il est aumônier princhipalle, Du pus gros bourgeois de Versalle ; Gh'est pour cela qu'il a des tassiau* Pardevant et a sen mantiau.
Tout Lille est en joie et en liesse, De vire tant de princheet princheresso ; Bien de l'honneur pour les Lillois, Que che ne soit point le daraine fois.
COUPLETS
Sur l'air : Ton humeur est Catherine, etc.
Je resterais bien Thérèse, Un jour sans boire et mainger ; J'ay été vire no princheresse, Quelle ne faijeoit qu'arriver Aveuque de z'autres dames, Qui sont de se parenté, Gh'est comme unne Nôtre Dame Au mitant d'un cabainné.
On ne peut nombrer les ca roches Qui vont au gouvernement Tous les dames sont en forchc, Les monsieus également ; Qu'eu malheur Marie - Thérèse, Que je n'ai nus hiaux habits, Pour pourmirer les princheresses, l'irnis en carochc aussi.
r*
— 40 ~
ACHOST1CHB.
> voir tout chen qui duit pour gouvrené no ville,
w çavoir si un trouverait sen pareil sur un mille :
© wir dire tout-par-tout, ch'est cheu qui nous falloit
as ai -che point l'amitié qui sorte des Lillois ;
>» voir tout devant ly noblaiche et qualité,
t-* e cœur d'un Alexandre prouvé de tout côté ;
H émoin cheu qu'il a fet malgré tout rembarras,
H tant passé che l'iau qu'elle est au bout du bras (4 ).
ca ortez de vos masons, tout parle par Soubisb ;
cd ans doute, chele fois chy, vous owez par reprise,
M spérons de le vire, y restera un pau plus :
r> e darainne fois, compère, grament ne l'ont point vu;
H u qui aiche povoit ou jamais milieux requere, .
ns eut-on dire du Pbinchb que c'hest un homme flère,
sa ien de pus raisonnable dedens tous ses raisons,
•-« se laiche abordé douche comme un vrai mouton ;
^ ous avons vu jadis des gens de se famille,
o ueusir et demeuré au mitan de no ville ;
w t nous véons encore dans les Dominiquains,
O e ses gens entierrés entre deux mabres fins.
w n tout il est pompeux, en tout il est aimable,
en en minois fet plaisir, sa talle est admirable ;
O wir dire, che n'est rien, mais l'avoir vu ch'est tout.
a ive longtemps Soubisb, che fera grament pour nous;
ea uvons, rions, cantons à la gloire de no Princhb,
~ 1 le mérite bien, pour mi je requeminche,
en oubisb est dans men cœur écrit tout de sen long,
H t de tous les Lillois ch'est l'admiration . .
(Par De Cottignies, fils de Brûle-Maison, marchand de mer- ceries et de modes, place St. -Martin à Lille. In-4°.) (2)
(1) La rivière du Meiq.
(2) Nous soupçonnons que ce fils de Brûle - Maison pourrait bien n'ôtre que le poète Alexis Mathon , de Lille, qui florissait en 1750 et sur lequel nous avons publié une notice dans les Archives du Nord. Voyez l'article : Un poète à Lille au siècle dernier (2« série , t.H, p. 386-393.) a. d.
— 41 — VQNTENQY,
VBBS IUIF8 EN VBAT PATOIS DB LILLE, SUR LES CONQUETES DU ROT BN FLANDRE, etc.
M. D. GG. XLV.
*A l'honneur de nos Rot de Franse, Un fet des verses plain des hanses, Des quanchons et des arguments, De Paris, de Lille et de Rouent; En vêla qui sont encor tout moïses, Que j'ai fet en langue liloise.
QUBMENGBBMENT.
Non y faudrait avoir le voisse D'un oriste de nos paroisse, Le ton superbe et magnifique, Qu'n peut owir causant musique, * Hu bien le langage des anges Pour étalez tout les louanges Q'Un doit dire à l'honneur du Rot, Me n'esprit trouvera- ty de quoy, Pour vanter tous ses co d'adraiche, Gbet un Salomon en sagesse, Un Pape den se religion, Le paroli d'un Sicheron, Un Alexandre en ses victoires, J'ai vu toutes les vieilles histoires, Des grands Rois jusqu'à les Romains, Un n'a jamé vu un ensain.
En digeant adieu à nos Reine, Se famille jusqu'à nos dopbaine, Y trase, il arrive à Doilay, Tous ses gens étoite à Tournay, Enbarassé à faire le siège Tout ausy légère que du liège ; Le vêla qui arrive au camp, Aveuque les princbes du sang Et ausy l'homme de se bielle fille Jel l'ai entendu de me n'hotille. Quand le quennon a fet du bruit, Un a beto seu que chétoit ly.
'•■*
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Sitôt on ly dit les nouvielles Que l'ennemi qui toit Brouselles Et dechendoït de che coté chy Gha ne la poin grament everny ; Veant qui en foloit descoudre, Tout ausy vive que n'est la poudre, Il a rasanné ses saudards, Pour vire qui arot mangé le lard ; Tout nos oficiciez senbarasse, Gomme &'il iroite à unne ducace. Un envoie devant nosGrasins, Pour reconnâitrele therrain ; Nos Rot veut y être en personne, Nos gens défiltent en trois coulonnes ; Un vas, un trouve l'ennemi Retrenchédans le bo de Bary ; Chest ichy qui faut tenir tiete, Nos Rot, ses saudards, tout s'aprète, Et un plache tout nos cfuennons, A Antoin et encor pu long. Le solai perchoit den les neuages, Que l'ennemi faigeoit tapage, Tirant à forche su nos gens De Ieu quennons et byscayens. Tout ausy- tôt le duc de Saxquc, A queva avec se blouse casaque A pris l'enterez de sen mette, Pu vite qu'un trait d'arbalette, A courut den les batalions, Pour dire qu'un aroit tenu bon. Les bal quéoîte comme la grelle, Nos oficiez, nos coronelles, Faigeoin fâche à leu regimens, Chacun rencorageoit les siens ; Vêla .que l'ennemi avanche, Et desu nos Franchois se lanchent, Feigeant un fu comme un enfer, Grament des nos on queu à revier, Et tout ches Englois et Reniaga, Crioile déjà Victoria ! Douchement, chela n'a point duré, Et no vent a venu à quangé. Le mason du Roy sur euse vient, Et si tôt a pria frainc a dent,
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Çheloit ches grenadiers à que va,
Leu sabre sont des vrais damas,
Tout ausy largue qu'une planque ;
Le z'abattoient comme des branque ;
Et ausy nos carabainiez,
Forche dans le batalion quaré.
L'ennemi étoit de seize d'hauteur ;
Alors il etoit bien onze heure.
Un a fet venir nos Irlandés,
Qui le z'ont bravement racomodés,
Aveu le zTnglois ché le fu et liau,
Y leu ont perché les boynux,
Et le z'ont repousé bravement,
Et cheuse avecque ches noir parement
Qui ont passé ichy l'hyver,
Faigeoientun bruit comme un tonnerc
Nous avons regagné le therrain,
Qu'on avoit perdu au matin.
Nos cavaliers ont survenu,
Chèeuse qui ne n'ont rué ju,
Quéant sur ches pauvres Englés,.
Comme un fléau su du bled.
A cheteur nos quennon qui tiroit,
En faigeot quer des trente à le fois.
Quant ils ont vu que chétoit à cherté,
Ils ont wettiez à faire retrete,
Chédant le terrain à nos gens ;
Le bo leu z'a volut du bien,
Sans cha, ils aroint tout perdu.
Véant q'un avoit le dessus,
Un a crié Vive le Rot !
Tous nos soudards étoite en joie.
Un ne peut point vous dire en somme
Qu'il ont là dormit le long some,
Sans cheuse qui ont été coiché ;
Quanbien n'y a ty eu de bléché,
L'un a le tiette, et l'autre a le poitraine,
Au bras, à le panche et a le boudaine,
A leu cuiche tout par tout parla,
A leu genoux et encor pu bas ;
A leu dos se sauvant dcn, le z'abros ;
L'un ctoit atain d'un co de sabre,
D'unnc bayonnette hu d'un epée,
D'unne bal, d'un queva, d'un boulé.
n
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On leuse a dit den l'Engleterre
Qui n'y avoit pu de Franchois en guerre,
11 ont bien tu den che grand jour
Qui n'y avoit pour leur donné le tour ;
Il ont été atatn a i'ele,
Gba comme été un oo du ciel
Que nous le Savons là renversé ;
Car il avoite comploté,
Sy nous arimes bourlé trop cour
De faire comme ont fét les Pandours,
De tout tué, saccagé, brûlé ;
Mez les vêla diantrement trompé.
Un a pris tous leu z'atirals,
Des caissons, des quennons, des bals;
Vêla eune querre journée pour eusse
Et pour nos Rot toute glorieuse,
Quoique nous avons aussi perdu,
Gbe n'est rien quant un a le dessus.
De z'autres aussitôt les remplacent
Carriau rompu un autre à seplacbe.
L'ennemi pensera pu d'unne fois,
D'avoir eu eau à Fontenois.
Et le lendemain de chel bataille Le Roy, le dophin, les générales, Aveuq leu saudards sans delay, Ont revenu tout prez de Tournay, Rataindre le reste de nos gens ; Elle n'a pas seu duré longuement, Des nos qui étoite entré deden, Grament ont treuvé le pu biau, Des'enfuire deden le Catiau, Et vêla comme Gand a été pries, Qui avoit des richesses enfinies, Qu'un a querqué sus des battiau, Qu'un a ramené au long de liau, Deden Lille su no rivage, J'ai vu nos meslices à l'ouvrage, Gba a duré huit jours de long, Un fet coûte de dix millions, Qu'un a pris den che grand endroit ; Vêla un bon gant pour nos Franchois, Y n'aront point si-tôt l'onglée, Queulle baffe qui ont eu là le z'Englée.
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Le Catiau n'a point duré longuement,
Hu qui n'y avoit encore grament f
D'Englé qu'un a ramené à Lille.
No Rot étant maître de ches ville,
A songé-de gagnier pu haut,
L'ennemi sautoit de trau en traux,
Il la pu attendu Milvard,
Alors no armée s'a épart ;
No Roy a resté a Aloste
Et ses victoires aloite en poste ;
Termonde a été pris de rien
Et un y a mit des Franchois deden,
I n'y a point d'endroit qu'un ne demucjie,
Chel bieille et grande ville de Bruges,
A vu le Rot et soïi Dophin.
Pour moi je crois qu'ils ont dessain
En hantant ches villes et ches gens,
D'aprendre à parler le flamènt ;
A chet'eur nous avons pris Ostende,
Elle n'a point joqué à se rende ;
Etant mette de che l'endroit là
Le z'Englois sont pris comme au arna ;
I n'y a eux que se chiladelle,
Qu'elle a un pau fet le rebelle,
Véant qu'elle voloit faire des morgues,
No Rot a fet juer les grosses orgues ; *
Ches courts quennons à largue bouq,
Tiroin leu bombes dru com moucq ;
Forchea tiraliez alentour,
Elle s'a rendu par un biau jour ;
Elle sentoit qu'elle etoit malade.
Delà no Rot va à Odenarde,
Pour être mette de le z'ecluses,
Chel laie n'a point donné tant de ruse,
Elle a bétôt sentu sen ma.
Et Ath, cha, un l'a laiché là.
Veant qu'Odenarde etoit rendu,
No Rot n'a point dormi la dessus.
Tous nos gens ont gagné au long,
L'ennemi s'at enfuit a Grammont.
No Rot aveuque ses grosses é tiettes,
A songé de faire un co de mette,
L'ennemi ne songeoit my à cha,
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Ordonne à Monsicu Duquayla, Et à Monsieu de Lovendal, Qu'il est un pau pu bon qu'un diai Quant y quez sus nos ennemis. Y n'est point de che pays ichy, Chés le braâ droit du duc de Saxquè, Je croie qui vien du Dennemaroque. D'aler tante un co de se main, Vêla tout nos saudards en quemain, Aveuq leu fusique amorsé, * D'un grand matin y sont trouvé Tout près des murs de le ville de Gand. Silenche, un a dit tout avant, Et un a monté sur les murs, .Quand le zE'nglois on seu l'alure, N'y avoit déjà trois regimens, Je scé qu'un oficier de no ville, Â fetpar là un co habille, Il a pris un endroit d'assaut, Hu q'un alloit faire monté liau, En commandant ses grenadiers, îl a fet le z'autres prigeonniers. Pour avoir Tait chel bielle défiance, Sans doute il ara resconpense. Enfin tout partout no Rot gane, Que vêla unne glorieuse campanc, Nos ennemis son! tout rehiie De tous les biau tour qu'un leu jeii. No Rot chest à ly à faire, S'il est encore longuement en guerre
Y perchera jusqu'à Âsterdame. Ha sy n'ardit point rendu lame, Ghety q'un appelloit Bbulb mason, Ganbien aroit ty fet de quanchon, Sur les victoires des Franchois,
Y trouvocha au bout de ses doigts, Que n'est ty encore en santé !
Un n'en verras jamé un té,
y vous faigeoit rire a pleine gave, .
Fdinichons par se n'épitave.
Cy gît un chanteur de chanson Qu'on appellent Brûle-Maison ;
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Mort à soixante-deux ans d'âge. Faute de vivre davantage : La terreur des Tourquennois, Et le délice des Lillois.
Sa renommée passa jusque dans V Amérique % Et de son propre ouvrage il était le comique , S'il règne chez les morts dedans le même goût, Sa réputation aura gagné partout.
Se vend à Lille, chez J. de Cottigniks, fils de Brûle-Maison,
près les Récolets, ou à sa boutique à la foire, sur la
petite place; vis-à-vis la Bourse.
Avec permission.
Ces vers ont eu une certaine vogue au siècle dernier, dans la * Flandre français^ et le Hainaut, ce qui leur à valu l'honneur de recevoir plifteurs additions du même genre. On a donc imprimé à Lille, en 4745, une nouvelle brdchure de 10 pages in-8°, sous le titre de : Suite des vers naifs en vrày patois de Lille, sur les conquêtes du Roy en Flandre, etc. qui commence sainsi :
Si j'ai donné le quemenchement Je ne sarois point faire auterment ; Ayant entendu des braves gens, Qui mont dit que cha allait fnen, Chel volé, foi mis larguement, Pour faire éclandier med sot sens.
LfGBZ A LB HODK DB DROCHY,
ftos Roy étoit lasse d'en preude ,
Six bielles es villes s'ont vu rende,
Solche qui eucbe affaire autre watt ,
A dit adieu à ses saudarts,
El à grand homme nommé Mbubicb,
Vêla se resolution prise.
1 quitte ses gens par un matin ,
Et de G and i prend le quemin ;
Vêla qui a fet chonque u six lieues,
1 wette aveuq ses grands yeux... etc.
Le rimeur en roucki conduit ainsi Louis XV avec le dauphin dans la Flandre et le Hainaut ; il le fait visiter Lille et Arrafs et
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prendre Ath , puis il termine plaisamment par une Enigme en patois dont le mot est la boule d'un jeu de quille.
Scari-vous arvainé Sabette , A chen qui n'y a ni bras ni tiette, Trois yeux presque loudy ouverts, Qu'un retoupe quand un s'en sert.
L'année suivante , le même poète populaire publia une autre addition à cette série de pièces patoises dans une brochure de 42 pages. Elle était intitulée : Suite aux vers naïfs en vray patois de Lille, sur les conquêtes du Roy dans les Pays-Bas, ï accouchement et la mort de Madame la Dauphine, et autres événements arrivés cette année 4746. L'auteur débute de la sorte :
En croyons devons amusé, J'ay encore escris me pensée ; Si un dit qui vat entre deux , Je me conteray encore heureux; Aussi bien dens grament de coses Y n'y a de z'espaines et des roses.
Ligiz a l'aok (à Taise (1^
Suit la pièce dont le titre détaillé qui précède indique assez les matières principales ; L'auteur y a ajouté les prises des ville9 de Monset de SainV-Ghislain. Le poème est terminé par ces vçrs :
Adieu, je suis lasse d'escrire, Y fodroit un mois pour tout dire , Je voy vire pour aller coucher. Jusqu'à qui fauché" requemincher.
Se vend à Litte,ûhet Jacques De CotUgnies, fils de Brûle- Maison, marchand mercier et de mode , rue des Récollels , à la Lunette £ Angleterre, ou à sa Wtique à la foire , sur la Petite - Place , vis-à-vis la Bourse. 4746.
AVEC PERMISSION.
Le» chon<ft flottera «TNoter-Dame-
Tornay fesot mes esperanzes Via qu'om' dit, té dos t'embèter.
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Et si té veux des jouissanzes, Chest à Paris qu'y faut aller. Là té riras, Là té verras Tous les farceurs, comédiens, chansonniers, Faut quitter Noter -Dame avec ses chonq clotiers. i My j'pensos qu'chetot là m'naflaire , A Tornay j'avos pu d'plaizis. Un jour ej' va trouver ma mère , J'ôte em' casquette et pus j'iy dis : Ej'veux partir Ej' m'in vas vir Des teinturiers qui saivent leux métiers ; J'veux quitter Noter - Dame avec ses chonq clotiers.
Cel' pauv* femme étot tout saisie : Les mèr' aiment trop leur garcheon ; Via qu'ai me dit : — Jour de ma vie, Quoique c'hest qu'y t'manque al' maison? Te fais lundi , Te fais l'mardi , Â l'porcession té fais huit jours intiers : Quoi te quitt' Noter-Dame avec ses chonq clotiers?
L'iend'main j'approchos de l'frontière , In voiture avec ed' z'Inglès : J'avos toudi l'tièle al' portière ; Ces messieurs etot' ingelés. Tout à n'un queos J'em* sins l' cœur greos : In m 'al longeant sus el' point* de mes pieds, J'veios pus Noter - Dame avec ses chonq clotiers.
y n'sais point ben V longueur d'cl' route , Ej' dorméos, j'étos pas contint; Un Inglès qui buvot la goutte Em' dit com' cha Y l'indemain matin ■ « Vos Tounaigien , » Vos savoir bien » Que en dormant, vos toujou vos chantiez ; » Vos toujou Noter-Dame avec ses chonq clotiers. »
V premier qui m'a dit un' parole Quand j'ai té dins Paris
(3«Sf'ric, t 3). • 4
V
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Cha té l'neveu M. Dugnole : Comme ce garçon étot surpris !
Y mer'wetiot (Il me regardait)
Y mei r'luqueot
Tout à n'un queo , quand y m'a ben r'wetié Y erie : Viv' Noter-Dame avec ses chonq clotiers C
J'pourmenos avec ed' zar tisses Pour my toudi vir du nouviau ; Tous les palais et les églises , On peut dir' que ch'est on n'sé quoi d'biau. Mais avec cha , Quoisqu'on y fra, J'pinsos acor quand je l'zavos r'welîés : Ousqu'il est Noter- Dame avec ses chonq clotiers t
J*ai vu Rachel jouer ly même : Chetot plein d'pusin haut s'qu'en bas ; Faut l'entindre dire : je t'aime , À Bajaset qui n'en veux pas. Quand j Tacouteos , E j'm'écaufleos : J'ai manqué d'braire au mitant d'zécoliers, J'oublios Noter- Dame avec ses chonq clotiers !
Un jour que j'avos fait un' courze Avec un vrai bind* de brigands , Sur eP table j'étale em' bourse , Et j 'n'a vos pus qu'six piech de chonq francs. J'dis : Mil démon , Faut d'ia raison ; Me vlh t'a ct'heure à mes derniers deniers ; Faudra vir Noter-Dame avec ses chonq clotiers ï
El' l'end'main j'montois in voiture, Tous les amis ils étaient là : J'avos la milan d'un' colure Et j'étais pas joyeux com'cha. Les Parisiens M'tindot les mains. Et my j'canteos a grands tours de gozié : J'min va vir Noter-Dame avec ses chonq clotiers î
Après cha su l'impériale J'ai te tout près d'un paysan
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Qui portot un lapin à mâle , Et qui pensot qu' c'étot plaisant. Y m'imbeteot Tout à ri 'un queo, J'fais un grand beond in écrasant ses pieds : J'avos vu Noter-Dame avec ses chonq clotiers !
J'ai conté l'bistoir/ de m Voyage . Chest fini , j 'demeure au pays , Et je n'veux pu d'au ter partage Que d'el bon bière et des amis ; Et sans malheur , Et d'un grand cœur, Quand nous arons ouvré six jours intiers , Nous cantrons Noter-Dame avec ses chonq clotiers !
Adolphe Le Rat, de Tournai.
COMPLIMENT
des habitons de la Croisette à M, Vabbé Louis Honoré , de Saint- Amand, le jour de son installation ({).
Tandis que tous vos bourgeois, Monsieu,
Vous font des com pli mens au mieu,
Permettez pour un p'tit cosette
A voshabitans d'el Croisette
De vous témoigner , à leur tour ,
Leurs sentimenset leur amour.
Les bourgeois sont surpris , peut -être ,
De nous vir devant vous paraître,
(1) Louis Honoré, 82* abbé de Saint-AmaDd, né a Douai, le 16 fé- vrier 4705, était Aïs du seigneur du Locron : profès le 21 mai 1724, il fut élu abbé par ses confrères le 2t mars 1754, année de la composi- tion de celle pièce. (1 mourut le 6 octobre 1755 d'une hernie étranglée opérée sans succès. 11 était petit - neveu de dom Pierre - Honoré, 76e abbé de Saint-Amand, coadjut€ur et successeur de dom Ntcolas Dubois, qui releva l'abbaye et bâtit le clocher qui exisle encore. a. d.
/^
t
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Et cha parc, que les paysans Passté toutdi pour des paquans. Pourtant, Monsieu, en conscience, Faut - il avoir grande science Pour venir dire à son seigneur Qu'on est son humble serviteur ? Quand un compliment est sincère Il ne saro jamais déplaire. Et un cœur paysan parfois, Parle aussi bien qu'un cœur bourgeois. Quand on a dit qu'on allô faire Un abbé dans vomonastère , Le cœur nous a dit a tretous Qu'il n'y aro point d'autre que vous. Adonc, Monsieu, den vo prière Vous n'avez point resté derrière Nos vœux disions nous soient remplis , Mon. Dieu, que ce soit dom Louis , Car mardi chest le plus brave homme Qui soit depuis chi jusqu'à Rome. A présent quel plaisir pour nous, De sçavoir que chest vraiement vous. Chest pour en donner témoignage , Que nous venons de no village Pour souhaiter à no seigneur Prospérité et tout bonheur.. Pour le bin de votre abbaye Que Dieu vous donne une longue vie Monsieu , portez - vous toujours bin N'ayez point besoin de medcin, Ni même des iaus d'el fontaine , Car quoiqu'on diche quel soit saine, Malgré cha le meilleur de tout, Chest de n'en point sentir le goût. Pour ne point de votre révérence Abuser de la patience No finirons nos complimens, Si vous volez de nos sentimens Avoir la connaissance entière Demand-el à no curé don Pierre.
— 53 — EXIMIO DOMINO AC MAGISTRO NOSTRO
D. MATHNLE NAVjEO LEODIBNSI
IN D. PETRI DVACl PASTORI VIG1LANT1SSIMO
DOCTORALKM IN SACRA THEOLOGIA LAVREAM
MVSA PATRIAGRATVLATVR.
(Patois liégeois.)
ODI DICOMM TETRlfTROPHO».
Im sen podven trendmen espri com on fornai, Mi Ame , et me cincq sen Bollet a gro boUyon , cosy fai mietendmen „===Bi— El chodire dim ceruai.
Iamay pu ci cho Diewe , ki fai le gen râlé Don gran toubion d'espri , De co même qu'il on beuin dimay as bari Nimasifoirhalé, Ossipukilfadire, dipu kige fai 1 mesty , Iamay pu som si ta Ni fout on te cbyf d'ouuf : im fa mostré ki va Lourege di nos quarty . LîTraye crème dSPreud- homme, li corin de sçauan Pais a iourdou Docteur ; Del prehy , selon pri dis merit et valeur, 0 nehreu so cent an. O binaoureu iou ! ô pokoy ne* nin fies , Quan li fleur di nos vey Poit li bonne d Docteur violé 1 pruiny fcy • Vosdineetsçauanteties? Bai iou , vo fe r glaty Lige ensi k'or klinkan , Et pla moud vo Monseu, Toi monde criea pu soir (faaf faquans euieu) VyfLige, et sesEfan. Béni feu nos Pai , béni settye li corti Ki poit tant d si bai fru ; Ki Lige en né forney , et sen nat eco d kru , Po fe ce bons amy.
<*
— 54 —
* Di pu Ii Char Polé , dit sia fcalé Gipsin Troures de greff di Lige , Kif se 1 Pai valeur ; kai sou del vray tige Ki produ le gend bin. Bon-bru , mette voseye ; es prendé vos trompette , Po poirté me nouuell ; A Ligeoi , ki brosdé toi monde ensik de piel, Vo le donré cis lett. Fran songk d Ambiorix , qui violerai quitté Vo maison vo buron , Po fe tan seulimen kil no des Eburon Seiiyesicritocosté, Salué pa vo confrère, Cler di VAcademey . Yod vé savu Messeur, Kil dinne Curé d s'en Pire, est ouye divnou Docteur ElsentTiologey. Su don miné gran ioye , es chanté ki VEcho, VAui naye lenwé de Cire, Quan vo dire vive Lige, vifli curé à sen Pire , Responddavopropo. Wardefderin spargny pol triomphe di nos vey; Vo ne spari fe tro , Nauœus est in homne, po vel dire enon mo, Kinn se trouué sparey . Pu donk vo n'aué nin aou cis auvveur Des vo mem al brigade Prendes e boune par ki vos bon kamirade Vis evoye ce d goteurre . Et adiéle nourçon di nos beney voilage, Adié l s'Efan dreuseur Del nob Vey, qui va tôt le bounne Veyadseur : Volla-m lett astallaye. Vola kimen, Menseur, e to quarty de Monde Riluré vos clarté ; Pe to ouss kil solo et si sour li Baité Iour et nud fisel ronde. Le Tichon, les Alman et le gensejalé , Les Indoi , s'Espaignoul , Ki sont ossi rossan ki fojvay ou terroul , Saron d vo a parlé. Men soto , 1 nob Pai d Lige , kif sat egendré Es plantureuse Hesbay ; Po Fhonneur kif li fé e cis Vey di Douay , Visésarébon gré.
— 55 -
Bien bioamé Pbebfis ous mi neef vos Dosrai ? Po pood choy vom piedry ; Si gim rompeef li voone , iamay pu von sary Racoirdé mesapai. Tôt ensi kin Aghesse ka maigny de kochevai , Knsi va m rook mestré; Gi vo kige pied me poone , de chanté ci Curé C'est on tro hardi fai. On limson d'sia Sen Gil areu pu toy monté, Ki don si gran Docteur Li segesse tl vertu , li mérite el valeur Gi naro raconté. Po forfé don , Monseur , gif prusente me sohai : Vikees ottan d'annaye , Kin yat e nos Pai , a Sacramen d tnariaye , Et d'genette à schervvai. Et ki Veif pouch iu el fin é Paradi , Âto in coh di gnies Et vos men triomfante , et so vos beney Ties In coronne di Lauri.
PIRLO CETOOOVR MAIS-VALLS' DAMON CHOIS PADLA MIBMOIT.
On U vend à Lamm> alfoche d'Ecir, a dispan del Vef de Marly de Ttrbowrtt, 1630.
ouamon pour la crèche.
Riches el pauvres sont enfants de Gavant ; Riches, donnez a vos frères
le» belles nos Dames de Donay
Douq ! Douq ! c'hest pour c'hés p'tiots infans,
Rassennés dm 1'viir ed Gayant ,
Comm' des tiotes maguett's din c'hés camps.
Si j'étos un' saquoi tranquille , J'viendros canterrcloquéd'no' ville ; Mais chest fameus'ment difficile !
J'sus toudi comme un pauvre ogiau ,
Les ailes in bas sur un lugiau ,
Sans nid, sans mouron, sans tourtiau!
t
— 56 -v
J ai l'cœur poché plus gros que m'tiette, Et j'intinds dir't quand on me rewiette : « On diro que s'n'âme fait qneuelte. »
Pourtant , jusqu'au puits d 'Saint-Morand , Capab' d'incainner Juif Errant, Gh'i l'oraison s'in va tout courant.
Tout flottant sur un fil d'ia Vierge ,
Jusqu'à noter dam' sainte auberge
Duch' que chès femm's brûl't un blanc cierge.
Ch' l'oraison dit : Créatorum ! Jesus-Chrustuo , salve salvum ! M'nez nous tertous à Te deum.
Me via din Douay : Salut et gloire ! ,
Que l'sauveur vous tienne din s'mémoîre , Et much1 du pain plein vo n 'armoire !
Douq ! Douq ! c'hest pour c'hès p'tiots infans ,
Rassennés din l'vill' ed Gayant ,
Comm' des tiotes maguettes din c'hès camps 1
Donnez chouq' vous pouvez , no' dame :
Du cbuque et d'zœux; du bur, del flamme (dal flamique)
Pour sauver vo' corps et vo* n'âme !
Donnez pour chés biaux innocbins , Pour leur mère à trente -six pouchins ; Gh'est vos frères et vos ptiots prochains.
Leu ma mèrre ch'est l'saint'vierge Marie , Soufflant s'name à s'n'infant qui crie ; Tout 1 jour all'œuvre , tout l'soir all'prie.
Gomme un doux carillon tremblé , Comme un coulon piquant du blé , Pour cheus qui n'ont pô cor parlé !
Et tant plus vous donnerez d'caignoles , D'ianges ourlés , d'amiteuses paroles , Tant plus vous arrez d'auréoles.
Gha fra fin bien sur vos ch'veux blonds , Qui n'y en a null' part des si longs , Savant jusqu'à vos blancs talons !
Tant plus vous fil'rez d'Un et d'toiles , Plus vos yeux bleus à raies d'étoiles Brill'ront sous vos crol's et vos voiles.
— 57 —
Ah ! mi ! j'nai point gramio d'honneur; Mais j'ai des prières plein min cœur , Pour vous, Mesdames, et not' Seigneur l
A vous d 'longs jours sans injures , Les saluls, les mirlels d'eau pure , Et jamais d'ridesà vos figures !
Grâce à vous, dins des lits muchés, Un vo ches ptiots Jésus couchés , Et les plussolents rapagés.
Honneur , à son de cloque et d aubade , Aux accueilleux de m'n'imbassade , A bouqueté comme un* embrassade.
Les bonn's dames de Douai , j' vous 1' prédis , Iront tout rade in paradis Avec des couronnes ed rubis.
Qui vivra rverra : nô Madone
Prira tant Dieu, l'seul qui pardonne,
Q'nous f rons tertous qu'un* grand' couronne.
Par Noter - D.ame - des - Affligés ,
L' s'orphelins n' s Vont plus rencachés
Et chés pau's s'ront fin ben logés .
AU* coyette aux feux qu'on fra luire ,
Y n'iara du café plein des buires
Et tant d' pain qu'on n' sarra d'où 1' cuire,
Dins oh' temps - là , tous chés p'tiots nounous F'ront leu communion à deux g'nous , Pour vous bénir cor plus haut qu' nous !
Vlà m' n oraison d'fleurs pour la crèche ; Faut 1' canter d'un' voix jone et fraîche , Qu'air mont' dins 1' ciel drot comme un' flèche.
Douq ! douq 1 ch'est pour chés p'tiots infants
Rassenés dins 1* ville ed Gayant ,
Gomme des tiotes maguett's dins chés camps.
Parmi tout's vos révolutions ,
N'y a jamais d' sang dins vos sillons
Pour ahouter vos grands tayons !
Vlà n'œud dit l* soyeux , v'ia l'entienne ! Dieu command' la paix ; faut qu'ail' vienne , Et que 1' monde intier s'in souvienne !
^
i
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O Noter-Dame ! v'nez su' 1* grand quemiu
Avec tous vos anges par la main ,
Pour qu' la guerre s'en aille après 4 'main !
Adieu, min Douai, belle ville sans tache , D* vos gardins du qu' min cœur s'rattache , N'y a loudi queteose qui m'rincache I
Marceline Dessoudes -Valmoiie.
FABLE.
Ech' cricri épi ch'fromlon.
Ein cricri qu'avoait canlé Jueïeus'meint pindant Tété Es' trouvoait sans noriture A ch'lépoque ed chol froedure. Poent ta seul' meint ein morcieu Ed mouque ou bien d'vermissieu : Sans fu ni Hu , ch'pauve diable Etoait-i bien misérable ? No cantou preind l'décrzion Ed cortiser ein fromion Sein pqueoi cousin d'el même âge Qui d'meuroait deins ch'voisinage.
— « Voroais-tu , parein , m 'prêter » Quick grins pour ém'susleinter , » Dusqu'à chol moédeu nouvelle ? » Ej t'ein rendrai en* séquelle.
* Tu né rn'laieh'rau mr, j'eroés bien , » Moérir ed fam comme ein quien? » T'aus trop d'quieur épi d'noblèche » Por poent s'courirém' détrèche ! » Ech' fromion n'est poent préteux , (ih'est lau sein pu pqueot défeut : I meudit chol faignantrie Pi n'eonnoait qu'Iéconomie.
— « Quoé qu'u b'zois, deins l'boèn' saison » Qui gniau du grin à foézon
» Et qu'tout chaquin foait s'n 'amasse » Pour soutenir es pauve carcasse! »
— « Ej cantois à tous momeins
» Pour chés bèts'set pour chés geins. »
— t Ah! tu cantoais deins t'n'edmeure?
» Eh ! bien, feingnan , danse à ch'teure !
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T ne se s'manque poent , d'su ch'glob'-chi ,
Ed bôlcs comme èch' cricri,
Qui né s'cass'te poent leu tête :
Tant qu'dure èch* fromion,
I l'éroaitt' leu provizion ,
Epi o n'sroait poent deins ch'monde ,
Obligé d'ieu foaire l'omonde. J.
Eln Bat del Tille épi dm Rat «village.
' CHANSON PlCftAB*.
Air: Bonjour mon ami Vincent.
I vcu miu du pain set ach mczon eq du fricou chë T^eules.
(Dicton picard.)
T.
El demie dimeincbe del sain d'ni
Ein ra qui restot dein l' ville
Di : ché vett diab' ojordui
Quej'foédiné tou m'famille.
J'ai la min cousain qui reste a Ourlon,
Jel ai oblié , j'su ti ein
Dech vi viveinte i na foé ein bon r'pa ; Ej mein va l'quérir , asseuré qui véra , Epi decb pa la , via nou dané ra Qui moé ché guett épi qui sein va.
IL
Ein entrant ché sein cousain ,
Eie ni fezoi l'diabe a quate ,
I niavoi la tou ché voizin
Qui l'etein tou prêt dech bâte.
Chépach quej'our la dein l'gard lational
Ein aavoi lomé trqi quate caporal ,
Ein viu ra d'Vilchol quétoi dégomé ,
Crioi corn* ein sourd qui foloi r'voté ;
Mai ch* bourgeoi i di : cousin vien aveu mi,
Foi d'hom' qui son so épi ti ossi.
n
— 60
III.
Ei Ion d'ech q'min ein n'edvizan ,
I nié na ein qui dit à Toute :
Aile rameintu d'no jone tan ,
Quante nou zalien al mareude ;
Eine foi nous meinjiein l'bur a Kriholeu ,
Ech viu magister, via qu'ech thio Grimeu ,
Qui li v'noi r* cordé , i prein ein ramon
Et qui nou pourchui el loa dei mézon.
I nia bien Ion tan, qui di ch' paysan ; Ché d'pui ch' tan la quej res dein ché kan.
IV.
Ei tan pacé ein dizoi :
(Ché coer ein conte et lalaude) ,
Pour avoir des pleumes d'ein bourgeoi t
II éroi fallu d'iau caude ;
Mi j'foé sermein quo diné d'ech ra , 1 niavoi a meingé ein vu tu ein via ; Ché AU', ché fam* s* laissien cajolé , Ein nozroi mi dire chou qui sai pacé. Epi ein keinloi, épi ein deinsoi , Chaquein sarenjoi corn* il leintendoi.
V.
Aine via ti pon qu'ach momein la ,
0 pu biau mitan d'el fête , Cinq a si voleur ed ka
Qui pourchuiviein eine minéte,
1 quiète dein l'mézon com.° eine beine ed'gueu; Tou cbé ra is seuv\ ein perdant leu queu. Ech l'Ourlonié, qui l'étoit fln sau,
Del vill ach mézon i na foéquein sau ;
Epi ein rentrant i di ein jurant :
Ej meln r'sentirai pu s'di s'moéne durant.
Saint-Calais, 19 mai 4852.
Jean-LouiS GOSSBU (L. Lemaire.)
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ET SES PRISONNIERS.
La construction du château de Ham remonte à rétablissement même du régime féodal en France , époque où les seigneurs , pour se protéger contre les irruptions des barbares , élevèrent un grand nombre de clôtures, de réduits, d'habitations qui, plus tard, furent converties en places fortes et véritables forteresses. La position 'du château au milieu, pour ainsi dire, des marais fangeux de la Somme, indique assez que sa destination primitive fut de garder le passage de cette rivière, dont la possession offrait de grands avantages pour repousser une invasion.
Le château actuel de Ham est sans nul doute le château bâti en 4216, par Odon IV, sur remplacement d'un plus ancien, plusieurs fois cité dans le roman de Raoul de Cambrai, mais qui, depuis, a été transformé et fortifié par plusieurs de ses seigneurs dans le courant des quatorzième et quinzième siècles, suivant les systèmes de délense de 1 époque. L'enceinte présente un rectangle d'environ cent vingt mètres de longueur sur qualre- vingtsde largeur, ayant à chaque angle une tour ronde, eu saillie sur l'enceinte. L'une d'elles, la tour du Nord-Est (n° 9 du plan), plus large et plus haute que les autres , est nommée la Grosse tour ou la Tour du Connétable, Outre ces quatre tours rondes, deux autres tours carrées ont été élevées pour protéger les courtines; Tune, celle du Nord(n°8 du plan), qui servait autrefois d'entrée, est bouchée depuis le quinzième siècle ; l'autre, celle de l'Ouest (n° 40 du plan), est la seule entrée actuelle du fort.
L'intérieur du château présente peu de vestiges des construc- tions primitives , du moins hors de terre ; les plus anciennes jie remontent pas au-delà de la fin du XIVe siècle, plusieurs sont des XVe et XVI» siècles.
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Au-dessus de la porte d'entrée, on remarque, dans l'ancien donjon, plusieurs travées voûtées en arcs-croisés, avec moulures prismatiques; c'était là sans doute que se trouvait la chapelle. En entrant dans le château, après avoir franchi la tour attenant au pont-levts, on voit encore un bâtiment (n° 42 du plan), qui sert actuellement de corps-de-garde, et dans lequel on retrouve tousjes caractères du style de la renaissance.
Quelques sujets sculptés apparaissent encore aux trois clefs des ogives, faisant voûte , dans l'embrasure de la tour ronde du Sud (n0 5 du plan). On remarque au milieu de feuilles de vigne, de choux et de cordons entrelacés, terminés par des houppes ou glands, un panneau carré sculpté , représentant Adam et Eve, au Paradis terrestre, avec l'arbre de la science et le serpent; dans l'angle on trouve un écu portant 3 fleurs-de-lys, 2 et 4 , avec une couronne au-dessus. Une autre clef de voûte sculptée repré- sente , dans un médaillon , un moine en robe, avec des aîles, au milieu de feuilles de vigne, de choux, de chêne, de ceps avec grappes de raisin. Sur l'une des faces , un chien porte dans sa gueule un écu très petit, représentant deux clefs passés en sautoir.
Les bâtiments servant aujourd'hui de logement au gouverneur (n° 4), aux prisonniers d'Etat (n° 4) et au casernement des trou- pes ( n» 2 ), groupés dans le périmètre de l'enceinte intérieure, sont modernes et ne se recommandent que par les souvenirs des événements relatifs aux prisonniers célèbres qui y ont été renfermés.
Autour de l'enceinte et des tours règne, du côté de l'Esplanade, un immense et profond fossé à cunette A A , autrefois constam-* ment baigné par les eaux d'un étang qui protégeait au loin plus de la moitié des murs du château ; il présente cette particularité qu'il est garni, du côté de l'Esplanade, de galeries souterraines BB qui communiquaient avec le fort par un passage pratiqué à travers les piliers des arches du pont. Les assiégés, après une sortie, pouvaient rentrer dans le fort par ces galeries aboutissant dans un souterrain, situé sous l'entrée de la tour carrée (n° 40), d'où il était facile de gagner les poternes, couvertes par l'ancien mur de contre-garde CC. Les eaux ont disparu par suite de la suppression du barrage de la porte de Noyon et du détourne- ment de la Sommette, qui alimentait l'étang. Cette petite rivière se jette aujourd'hui dans la Somme, au-dessus du château.
L'enceinte du fort était encore protégée extérieurement r jusqu'à une certaine hauteur, par un mur de contre - garde CC
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en moellons, élevé de trois mètres, terminé par un couronnement en grès qui masquait le chemin de ronde, dans les fossés mêmes.
La porte d'entrée [ n° 40) est couverte par une demi -lune ( n° il) qui commande les approches du fort. Cet ouvrage du seizième siècle , séparé de l'Esplanade par le prolongement du grand fossé d'enceinte , est garni d'une porte pleine et d'un pont - levis.
On remarque , au - dessus de la porte d'entrée à ogive de la tour carrée ( n° 40). un J accompagné de deux houppes ou cordelières sculptées dans le grès. Cette lettre et ces emblèmes paraîtraient indiquer que cette partie du fort a été construite par Jehanne de Bar, première femme du Connétable de Saint-Ppl. Du reste, toute la façade attenante à la courtine de l'Ouest et les tours n*« 6 et 7 paraissent être l'œuvre de cette femme célèbre , car les mâchicoulis reproduisent les mêmes ornements. Tou- tefois, d'après l'examen des lieux, et d'après les renseignements que nous nous sommes procurés , on peut supposer que dans l'origine, c'est-à-dire avant le XVe siècle , les angles n°» 6 et 7 des murs de la forteresse qui commandent la ville de Ham et l'Esplanade étaient garnis et défendus par des tours de forme carrée, comme le donjon central ; probablement lorsque Jehanne de Bar fit reconstruire en partie ces murs , on aura prolongé le plan en forme elliptique, pour donner aux tours plus d'épaisseur et de saillie. C'est ce qui peut expliquer les formes discordantes que présentent les tours n°* 6 et 7, établies intérieurement sur une forme carrée et extérieurement sur une forme circulaire.
Les houppes répandues sur tout le monument et que certains historiens prétendent être houppes pendantes au bout du cordon entrelacé que portent les religieuses et sur lesquelles ils se basent pour faire construire la tour du Connétable, par Jeanne de Bourbon , abbesse des Cordelières , étaient l'emblème adopté par le Connétable longtemps avant 4 470.
Nous les trouvons peintes en bleu avec filets d'or sur la pre- mière page du manuscrit du Pas alarmes de la Bergère, tournoi qui eut lieu à Tarascon, le 5 juin 4449 , et dont la relation est dédiée à Louis de Luxembourg.
A la bataille de Montlhéry a les archers de corps du comte de » Sainct-Pol avoient paltoz le dessoubz de drap gris découppé, » et le dessus de drap rouge tout chargé d'orfèvrerie , à une
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» houppe au milieu, devant et derrière, sans avoir la croix * Sainct-Andrieux. » (4)
Le côté Est est défendu également par une -demi-lune ( n0 3 ) que l'ancien étang entourait de ses eaux et que le canal de la Somme sépare encore aujourd'hui du fort. Cette demi - lune, dont la forme a été plusieurs fois modifiée , communiquait au corps de la place par un pont-ievis dont l'entrée E existe encore, près de la tour n9 5, dans la courtine de l'Est.
La courtine du Sud, quoique protégée au loin par les eaux , avaiten outre une tour de barbacane, placée au centre de l'étang, à cent mètres environ du château, et dont on voit encore aujour- d'hui l'atterrissement (n° 43). Cette tour était reliée au fort par une chaussée aboutissant à une poterne placée dans la courtine du Sud.
Le mur d'enceinte, d'une épaisseur considérable, est élevé de seize mètres au moins au-dessus du sol ; il est fait en moellons jaunes, avec revêtement en grès jusqu'à une certaine Jhauteur. Les murs, couronnés de créneaux dans les courtines de l'Ouest, de l'Est et en partie dans celle du Sud, étaient portés en encorbellement sur des mâchicoulis , par le vide desquels on pouvait jeter sur les assiégeants des pierres, du plomb fondu, de l'huile bouillante et toutes sortes de matières inflammables. Des galeries permettaient de communiquer, à couvert, d'une tour à l'autre, et par conséquent, de faire le service du château à l'abri des coups des assiégeants.
La partie de l'enceinte D voisine de la Tour aux poudres remonte évidemment à la grande époque féodale. Les seigneurs deHam, qui, au commencement du XIIIe siècle, faisaient ouvrir un fossé AA pour séparer leur château de la ville, habitaient alors un vaste corps de logis D, situé dans la courtine Sud-Est de l'enceinte. Cette partie du mur extérieur a été remaniée sur toute son étendue, car des portions considérables présentent des appareils qui ne se relient pas entr'eux. Au i iveau du soubasse- ment, on remarque un énorme cintre , affectant la forme ogi- vale, qui, probablement, servait d'ouverture au canal qui ali- mentait autrefois un moulin placé dans l'enceinte du château et dont on trouve des traces dans plusieurs plans.
(1) Mémoires de Jean de Haynin , us. de la bibliothèque de Bour- gogne à Bruxelles, numéros 1 1677-11685.
Il est facile de reconnaître, par quelques fenêtres (aujourd'hui bouchées) à meneaux cruciformes et surmontées d'arcs en décharge à plein-cintre, que la partie D de la muraille voisiné de la Tour aux poudres (n° 5) a servi d'habitation antérieurement au XV« siècle.
Lorsqu'on répara, il y a plusieurs années, les fortifications du château , on découvrit dans la partie intérieure du mur DD, plusieurs objets, des restes d'anciennes armures , des dorures sur les murs qui ne peuvent laisser aucun doute à cet égard.
Nous ne ferons pas la description de chacune des tours , ce qui nous entraînerait trop loin ; nous ne parlerons que de la grosse Tour, œuvre monstre du Connétable deSaint-Pol.
La grosse tour ou la tour du Connétable ( n° 9 ) bâtie de \ 436 à 4466. est imposante par sa masse ; elle a 33 mètres de feuteur et autant de diamètre. Les murs, en moellons , revêtus en grès du haut en bas, ont onze mètres d'épaisseur ; elle est divisée en trois étages, qui forment trois grandes salles hexagones voû- tées, plus une plate-forme percée de huit embrasures. La Grosse itour paraît avoir été isolée primitivement, etséparée, par un fossé de dix mètres, des escarpes qui y sont aujourd'hui adjacentes. Au-dessus delà porte d'entrée, le Connétable a fait graver les emblèmes que portaient ses étendards à la bataille de Hontlhéry (1465), des houppes ou cordelières avec ces mots : Mo Mtevx. Cette même inscription est reproduite dans la partie de la tour qui regarde les fossés , sur le front d'une porte à ogive , aujour- d'hui bouchée, au-dessous d'une fenêtre à ogive, en accolade, et accompagnée des mêmes signes héraldiques.
Un de nos compatriotes, M. Léon Paulet, à qui nous devons de curieux détails sur le château de Ha m , pense que les mots Mo Myevx qui décorent la grosse tour du fort de Ha m, ne furent pas spécialement affectés à ce monument. Dès longtemps avant ils faisaient partie des armes du Connétable ; ils lui servaient même de cri de guerre et signifiaient : « Je ferai de mon mieux , » devise qui est bien dans l'esprit du moyen -âge.
Nous trouvons ces mots brodés sur son étendard à la bataille 8e Moqtlhéry en U65,:
« L'estendart du comte de Sainct -Pol my-partie de soye grise » et rouge, à une licorne d'argent au bout de dessus envers là
(3' ««rie, t. 3). 5
- ce -
$ lance, h toute la corne et le bout des pieds d'or, etsi avoitescript » de grandes lettres d'or : Mo Mybvï. 9 (I)
En entrant dans la tour, on rencontre, â gauche, pratiqué dans l'épaisseur du mur, un magnifique escalier en spirale qui des- cend par vingt-neuf marches aux souterrains, et monte par cent marches aux étages supérieurs. Chaque marche de ce large escalier est formée d'un seul morceau de gré taillé, d'un mètre. 80 cent, de longueur . de 40 centimètres d'enmarchement ; il est enclavé d'un côté dans la muraille et forme colonne au centre. L'escalier qui conduit au bas de la tour commence en tournant et descend ensuite directement vers le souterrain ; à droite et a gauche sont des galeries conduisant a de petits postes qu'on a improprement qualifiés d'oubliettes, et sur lesquelles les romanciers ont raconté des histoires atroces, mais qui, n'en déplaise à leur imagination , servaient à loger des sentinelles ou arquebusiers chargés de surveiller les courtines du Nord et de l'Est.
L'étage inférieur forme une immense salle hexagone voûtée à ogives , éclairée par une étroite meurtrière. Autour de cette salle, on a creusé, dans l'épaisseur de la muraille , douze four- neaux de mine , afin de pouvoir faire sauter la tour , en cas de besoin ; ces fours ont servi de cachots.
Le rez-de-chaussée ou Salle des gardes , servait de logement aux soldats, qui couchaient sur la dalle ; on y remarque une énorme cheminée, un puits, un four. En 1829, on a débouché, donnant vers l'extérieur du fort, une seconde porte depuis longtemps condamnée, et qui servait dans l'origine à communi- quer, par une petite bonnette qui la couvrait , avec la campagne.
Le premier étage ou Chambre du conseil, est une immense salle voûtée à ogives, avec une grande cheminée; elle est éclairée par une seule fenêtre. Cette fenêtre , pratiqué dans l'épaisseur dé la muraille, forme, avec son embrasure, un cabinet élevé d'une marche au-dessus de la salle, qu'elle éclaire ; des bancs do pierre régnent contre les parois. A côté de cette salle, on trouve, dans l'épaisseur du mur, une petite chambre avec cheminée, dite la Chambre du roi ; elle n'est éclairée que par un simple créneau.
(I) Mémoires de Jean de Haynm, MS. de la bibliothèque de Bour- gogne à Bruxelles, numéros 1617-1 1685.
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La tour du connétable est un des monuments les plus curieux de la 2e moitïé du XVe siècle et qui mériterait une monographie spéciale. Il serait intéressant d'en étudier l'ensemble et les détails et d'en reproduire graphiquement les principales dispositions ; peut-être un jour l'essaierons-nous.
Dans chaque tour , il y a un puits, un four, des lieux et un escalier de service.
Quand on parcourt ces endroits humides, obscurs , ces vastes salles et ces anciennes constructions, on est frappé de l'indiffé- rence qu'on y remarque pour le bien-être matériel, pour le luxe et l'élégance. On a négligé les commodités les ptusgfenplesde la vie. quelque facilité qu'on eut à se les procurer. On se demande quels hommes et surtout quelles femmes pouvaient habiter de pareils lieux, comment les riches comtesses de Béthune, de Bar, de Luxembourg , de Bourbon , qui possédaient de nombreux domaines , de riches revenus , pouvaient vivre dans de si tristes réduits.
Le château de Ham a eu à supporter bien des sièges : parmi les plus mémorables, nous citerons celui de UH , par Jean-sans- Peur , duc de Bourgogne ; celui de 4557 , par Philippe II , roi d'Espagne ; celui de 159&, par les troupes de Henri IV ; l'invasion de 1815. par la atlonne du général Thyelman, suivie de l'hono- rable capitulation du commandant Balson (t) jamais ces récits
(1) Voici la capitulation du 27 juin 1815 :
Propositions adressées le 26 juin, par le commandant d'armes du ' château de Ham , au baron de Thyelman , lieutenant-général com- mandant en chef le 3e corps de l'armée prussienne.
1° Un nombre égal de troupe prussienne a celui de la garnison française sera admis au château , pour y tenir garnison , de concert avec ladite troupe française. ACCORDÉ.
2o. Le château sera gardé par les troupes des deux nations, prus- siennes et françaises , et conservé pour le gouvernement futur de la France. ACCORDÉ.
3° La partie des troupes françaises , qui devra quitter le château faute de logement, pour faire place à la troupe prussienne, logera en ville et sera traitée à l'amiable par les troupes prussiennes, comme colle qui resterait au château. ACCORDÉ.
4o La troupe prussienne n'entrera au château que dans la journée' de demain 28 , pour donner le temps do lut préparer un logement. Àr
sortiraient du cadre que nous nous sommes tracé; nous examinerons une des faces de l'histoire du château de Ham , qui n'est pas la moins féconde en jeux étranges de la fortune : les prisonniers d'Etat qui y ont été détenus.
M. de Peyronnet, d'accord avec (a tradition , pense que le roi Cnarles-le-Simple a été prisonnier au château de Ham en 923 ; deux ans après, le comte Herbert de Vermandois y tenait pri- sonnier Everard, filsd'Helgaud, comte de Ponthieu.
cet effet, le commandant de la troupe se concertera avec le comman- dant de la place. ACCORDÉ.
5° Tout le matériel de l'artillerie qui se trouve en ce moment au château ne pourra etro déplacé ou enlevé que d'après les ordres du gouvernement futur de France ; il en sera de môme à l'égard des ar- chives de la place et des papiers et documents du génie.
Sera déaidé par le feld-maréchal prince Blucher , commandant en chef de l'armée prussienne. •
Tous les bagages, meubles et effets des officiers, soldats et employés militaires de ce château resteront intacts. ACCORDE.
1° Le secrétaire-archiviste de la place et les divers employés de l'artillerie et du génie conserveront leurs emplois. ACCORDE.
8° L'officier français commandant la troupe française, comme l'offi- cier prussien , commandant la sienne, seront tous deux sous lo« ordres du commandant du château. ACCORDÉ.
Fait au château de Ham , le 27 juin 181 5, à cinq heures et demie du matin.
Signé : Baron db THYELMAN. Signé : BALSON,
Lieutenant- général, commandant en Chef de bataillon, commandant chef le troisième corps do l'armée d'armes et commandant su- prussienne, périeur de la place et du
château de Ham. Si on considère que la garnison du château de Ham ne se com- posait, au 26 juin 1815, que de 42 artilleurs, 9 gardes nationaux et 87 vétérans, en tout 408 hommes y compris les officiers ; que l'entrée des fossés était praticable sur plusieurs points, le matériel de défense insuffisant, on regardera comme très honorable la capitulation du commandant Balson, qfti, avec d'aussi faibles ressources , a conservé à 14 France cette place de guerre, avec son matériel, et a retardé pendant 48 heures la marche du troi- sième corps de l'armée prussienne, forte de plus de 50,000 hommes et 50 bouches à feu.
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PothoQ de Xaintrailles, qui joua un si grand rôle sous les régnes malheureux de Charles VI et de Charles VII , fut retenu prisonnier à Ha m , en \ 493 , par le cruel Jean de Luxembourg, partisan du duc de Bourgogne. Walleran de Sai ni -Germain, enfermé à Ham en même temps que Pothon de Xaintrailles , y fut décapité par ordre de Jean de Luxembourg.
La tradition veut que Jeanne d'Arc ait été détenue au château de Ham en U34 . On rapporte aussi , à cause d'une chambre de la grosse tour , véritable cachot , qu'on nomme encore aujour- d'hui la Chambre du Roi , que Louis XI a été tenu prisonnier.au château de Ham par Louis de Luxembourg. Louis XI a -t- il couché dans cette chambre comme hôte ou comme prisonnier ? Aucun chroniqueur n'en fait mention , et cet emprisonnement paraît peu probable ; mais il est certain que le roi a séjourné plusieurs fois au château de Ham , d'où il à, daté diverses or- donnances, en mars U70 et mai U7(. On sait, du reste, que le, Connétable, après avoir promis au roi d'être pour lui envers et contre tous , recevait le surlendemain un message du duc de Bourgogne qui lui promettait 40,000 écus s'il tenait ses. promesses : à ce message Louis de Luxembourg répondait: Je trouverai bien-moyen de saisir le roi au collet et de l'envoyer finir sa vie quelque pari, ou de le faire mourir : ensuite on prendra la reine et le dauphin, et on les enverra en exil.
On rapporte, aussi , mais avec plus de probabilité , que le. Connétable de Saint- Pol, Louis de Luxembourg, fut conduit de Péronne au château de Ham et emprisonné dans la chambre même qu'il avait destinée à Louis XI. Trisle revers de la fortune, qu'il croyait pouvoir braver du haut de sa formidable tour ! A ce sujet, on trouve dans la Chronique métrique de Chastellain et de Molinet le couplet suivant :
J'ai veu SaiuctPol en gloire
Ravy jusques es cleurx. %
Puis descendre en bas I oire (tomber.dani un ptfge.)
Mal en grâce de Dieu.
Sa i net Pierre S;en délivre (le «« de St-Pierre, gardien du comte)
Pas ne le respita , Et au prince le livre Qui le descapita.
Un célèbre prisonnier du château de Ham , dans le quator- zième siècle/fut Jehan Patou, mayeurdeHam. qui eut la langue percée d'un fer rouge pour avoir voulu conserver les prérogatives.
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communales de la ville de Ham. Combien de mayeurs de nos jours en feraient autant !
Après la prise de Ham en 4557, par le roi d'Espagne et le duc de Savoie, Sepois , gouverneur de Ham , fut enfermé au château avec d'Emery de Sepois et Robert de Sepois. Pisseleu de Heilly, qui avait montré dans ce siège un courage digne d'un meilleur sort, fut pris par le duc Emmanuel de Savoie , mais n'ayant pu payer l'énorme rançon qu'on^ lui demandait , il mourut son prisonnier. Pisseleu était de la fameuse famille de Heilly , et fils de Guillaume de Pisseleu, qui défendit d'une manière si admira- ble, en 1512, Thérouane contre les Impériaux et les Anglais réunis.
Louis de Bourbon, prince de Condé, fils de Charles de Bourbon, duc de Vendôme et seigneur de Ham, fut enfermé au château de Ham, en 1560. Ce fameux prisonnier fut la souche des Condé, desConti et des Soissons. Il fut surnommé le Grand. C'est celui- là même qui fut assassiné au combat de Jarnac, en 1569.
Vitremont d'Humières, fut prisonnier à Ham à la fin du seizième siècle, il était parent de Charles d'Humières, lieutenant- général de Picardie, tué à Ham, au siège de 1595.
A la suite du siège de 1595, on trouva, parmi les prisonniers espagnols enfermés au château de Ham : Dominique Bandini, Napolitain, commandant pour l'Espagne dans la ville de Ham. (Bandini mourut de ses blessures.)— Balthasar Caracciolo, de la famille du fameux marquis de Vico, commandant dans Ham. — Cicco de Sangré. — Settimio di Fabii, Romain. — Ernandode Ninfa-Marcello-Molina, — Martio Schiaveta-Scipione-Barone,
— Martio-Nicolaï, — Annibali-Martino, — J.-B. Céresciano, tous capitaines commandant dans Ham. Olmeda, commandant des Espagnols, qui, peu de temps après, fut envoyé à St. -Quentin.
— Marcello del Gindrie, qui, peu après , fut envoyé à Chauny.
— Plus, 700 soldats prisonniers.
On montre dans une espèce de cellule pratiquée dans l'épais- seur des murailles de la monstrueuse tour du Connétable, une pierre qui, dit-on', a servi d'oreiller pendant vingt ans à un pauvre capucin, et sur laquelle la forme de son oreille était restée gravée. La tradition exprime que la jeune fille qui ira chercher une parcelle de la pierre du capucin, trouvera un mari dans k courant de Vannée; voici un couplet de la légende:
_ 73 —
Filles de Picardie Venez au caveau de Ham Et l'église vous marie ' Avant qu'il ne soit un an. Ayez figure vermeille, Bonne dot, et, pour certain, Vous bénirez l'oreille L'oreille du capucin.
M. le comte de Peyronnet a raconté la légende du capucin , flont 11 fait remonter l'emprisonnement à 1598.
Le chevalier d'Aydie (comte de Riom) d'abord abbé, puis amant, puis mari de la duchesse de Berry , cette fille du régent dont les particularités journalières et sans fin avec le duc ^Orléans, son père, mettaient son mari hors des gonds (1) , fut enfermé au château de Ham, par une lettre de cachet du régent, pour s'être battu en duel avec un nommé Bouton La cédule portait pour deux ans, attendu qu'il avait accepté de se battre en duel avec un roturier. La duchesse de Berry lui fit avoir sa grâce au bout de six mois et ne prit de repos qu'elle n'eût fait pendre le pauvre Bouton, le 19 juin 1747, un mois avant sa mort. M. de Musset a publié un roman intitulé la Duchesse de Berry, dont de Riom est le héros.
Le comte de Larochefoucault ( de Roucy ) , exilé à Ham, par suite du ressentiment de la duchesse de Chateauroux. Cette femme, toute-puissante sur l'esprit de Louis XV, exigea pour reparaître à la cour l'humiliation des princes du sang, l'exil de Maurepas, des ducs de Châtillon, de Bouillon, de la Rochefoucault, etc. Ce dernier fut envoyé à Ham par lettres de cachet.
Cassard (Jacques), de Nantes, l'un de ces nombreux et intrépides marins qui oiit illustré les côtes de la Bretagne, leur patrie, jeté dans cette prison par lettre de cachet du cardinal Fleury, mort en 1740,
Brochart de Breuil, conseiller au parlement. A la suite d'une ordonnance du roi Louis XV. le parlement cessa de rendre la justice. Meaupou , par arrêt du grand conseil , supprima les charges des conseillers et leur défendit de prendre le titre de
(I) Mémoire* de Saint-Simon.
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membre du parlement. Les principaux conseillers furent exilés, et Brochartde Breuil fut envoyé à Ham en 1771.
Parmi les prisonniers dé la seconde moitié du XVIII* siècle, n'oublions pas de mentionner le Comte de Mailly, de la branche d'Haucourt, parrain du dernier marquis, de Mailly-Nesle. M. de Mailly avait eu une querelle avec plusieurs seigneurs de la cour de Louis XV qui s'étaient promis de se battre en duel contre lui jusqu'à ce qu'il succombât. Le roi Louis XV, qui ai- mait et estimait particulièrement le comte de Mailly, informé de ce projet et voulant le préserver d'une mort presque certaine , prévint l'heure fixée pour la rencontre des parties, fit arrêter le comte en son hôtel et l'enferma dans la citadelle de Ham, en vertu d'une lettre de cachet. Puis, ayant arrangé Taffeire de son autorité, il fit sortir M. de Mailly du château. de Ham; et, pour lui donner une nouvelle preuve de, son estime, il le nomma gouver- neur de la province du Roussillon. Dans ces fonctions, M. de Mailly s'attira surtout l'amour du Roussi llonnais. Arrêté en 1794, il fut envoyé à Doullcns par André Dumont et guillotiné à Arras, par les ordres de Joseph Lebon, le 25 mars i 794. .
On connaît l'histoire du marquis de Marbœuf ou Malbœuf , qu'il ne faut pas confondre avec le gouverneur de la Corse. Ce gentilhomme normand était presque fou , lorsqu'il fut enfermé au château de Ham pour avoir insulté la reine Marie-An loi nette. Il passait son temps à jeter des pièces d'argent après les hiron- delles planant au-dessus de l'étang qui baignait les murs de sa prison.
Lautrec(de), dont M. de Peyronneta écrit l'histoire d'une manière si dramatique (t), fut enfermé à Ham pour avoir tué son oncle au pied des autels. Placé dans un cachot fort humide, il restait toujours couohé : sa seule occupation était de distribuer aux rats et aux souris ^ju' il avait apprivoisés une partie de sa nourriture. Ses ongles , sa barbe étaient d'une longueur déme- surée. Lorsqu'on vint lui annoncer qu'il était libre, après quarante-deux ans de captivité, il demanda avec instance qu'on le laissât à Ham. Les habitants de la ville eurent la générosité de l'adopter et de pourvoir à ses besoins jusqu'à sa mort. On en
(1) Le livre des Cent et Un , toirçe Vil , H au , par Jf. le comte de peyronnet.
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parlait aux enfants, pour les effrayer, comme d'un autre Croque- ra itai ne.
Mirabeau fut détenu à Ham pour avoir publié un Mémoire au roi sur V agiotage ; mais le roi fit écrire en ces termes au gouver- neur du château de Ham par le baron de Breteuil ; L'intention du roi est de prendre sur son compte la pension de M. de Mirabeau, et qu'il soit bien traité; j'en préviens le commandant du château de fîam.
En 4793, quand i n amena au château de Ham ]es prisonniers autrichiens , ces pauvres gens avaient entendu raconter tant de choses des républicains français qu'ils pensaient être mangés vivants : quelle ne fut pas leur surprise de voir toute la popu- lation de Ham se porter au devant d'eux, attirée parla nouveauté de leurs costumes, et d'en recevoir de l'argent et des effets ! Dans leur reconnaissance, ils s'écrièrent , les yeux humides de larmes : Oh ! praves Françouss I On cite avec plaisir ces traits d'humanité, honorables pour les habitants de la ville de Ham.
Le 12 germinal an III, la Convention, sur la proposition d'André Dumont (de la Somme) , décréta l'arrestation de Chou- dieu, Chasles et Foussedoire. On ne se borna pas là, dit M. Thiers, dans Y Histoire de la révolution française; on rappela que Huguet avait pris la parole pendant l'envahissement de la salle, et s'était écrié : Peuple, n'oublie pas tes droits ! que Léonard Bourdon présidait la société populaire de la rue du Vert - Bois, et qu'il avait poussé à l'insurrection par ses déclamations continuelles ; que Duhem avait encouragé, les révoltés pendant l'irruption de la populace ; que les jours précédents, il avait été vu au café Payen, à la section des Invalides, buvant avec les principaux chefs des terroristes , et les encourageant à l'insur- rection. On dénonça encore d'autres conventionnels, entr'autres Ruamps et Amar, le membre le plus abhorré de l'ancien comité de sûreté générale. Â la suite de ces propositions, la Convention décréta l'arrestation de Choudieu, Chasles, Foussedoire, Huguet, Léonard Bourdon , Duhem , Ruamps , Amar , et décida qu'ils seraient conduits sur-le-champ au château de Ham.
Ces huit députés enfermés à Ham après le 4 avril 1795, furent mis en liberté après les travaux de la Convention, le 4 brumaire (26 octobre 1795). Choudieu , placé depuis dans les bureaux du ministère de la guerre , et désigné pour être déporté après le 3 nivôse, se réfugia en Hollande, et s'y établit libraire. Léonard Bourdon, agent du Directoire à Hambourg, eu J80"> était
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administrateur de l'hôpital -militaire de Toulon. Huguet a été postérieurement condamné à mort , le 6 octobre 4796 , comme complice du rassemblement du camp de Grenelle (il avait 39 ans). Amar fut impliqué depuis, et acquitté, dans l'affaire Babeuf.
La Convention ne s'arrêta pas là , et, quoique les chefs de la Montagne eussent été envoyés au château de Ham , on crut qu'il en restait encore d'aussi redoutables. Tallien désigna lui-même à la tribune : Cambon, le dictateur des finances; Thuriot, autre- fois thermidorien , mais redevenu montagnard ; Grassous , l'un des soutiens les plus énergiques des Jacobins ; Lesage-Senault, qui avait contribué à faire fermer leur club, mais qui depuis s'était effrayé de la réaction ; Lecointre (de Versailles), adver- saire déclaré de Billaud, Collot et Barrère ; Haignet, l'incendiaire du Midi ; Hentz , le terrible proconsul de la Vendée ; Levasseur (de la Sarthe), l'un de ceux qui avaient contribué à la mort de Phélippeaux, et Granet, de Marseille, accusé d'être instigateur des révolutionnaires du Midi. Tous ces conventionnels , dit le Moniteur , furent décrétés d'arrestation, et comme leur huit col- lègues, envoyés à Ham ; mais, de ces neuf députés, il n'y eut réellement d'enfermés au château de Ham que Lecointre, Maignet , Hentz , Levasseur et Granet ; les autres trouvèrent moyen d'échapper à cet emprisonnement. Est-ce pour ce fait que Louis-Josepb-Méry-Montigny, commandant du fort de Ham, fut appelé au Comité de salut public, le 49 germinal an III (8 avril 4795) , et accusé d'avoir mis en liberté des prisonniers ? On peut présumer que non ; car le commandement du fort lui fut rendu, après qu'il eut été entendu. Il mourut peu de temps après, le 46 frimaire an IV (6 décembre 4796.)
Bouchotte, arrêté peu de temps avant le 9 thermidor, par me- sure de sûreté générale , fut envoyée Ham , où il se trouvait avec Pache et d'autres prisonniers, lorsqu'un décret de la Convention, du 5 prairial, statua que les prisonniers du château de Ham : Bâche, ex-maire de la commune de Parts ; Audouin, son gendre ; Bouchotte, ex - ministre ; Daubigny , son adjoint; Clémence, Marchand, Haron , employés au Comité de salut public et de sûreté générale , et Hassenfrats , se raieut traduits au tribunal criminel du département d'Eure-et-Loir, pour y être incessam- ment jugés Ce procès n'eût pas de suite, et Pache et Bouchotte furent élargis par le Comité de sùrclé générale, ce dernier après une prison préventive de seize mois.
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Le général Rossignol, si connu par despotes de barbarie, dans la Vendée, où te général Hoche s'illustra par son savoir et son humanité. Arrêté le 43 thermidor (2 août 4794), il fut, par décret de la Convention du 24 nivôse an III ( 13 janvier 4795 ) , envoyé au château de Ham, où il fut détenu pendant plusieurs mois. Presqu'oublié dans sa prison, il dut sa liberté aux troubles qui précédèrent la journée du 43 vendémiaire. Lorsqu'on lui faisait observer que sa mauvaise tactique faisait tailler en pièces les soldats de son armée , Rossignol répondait : Wont - ils pas juré tous de mourir pour la patrie ? Rossignol a été impliqué depuis dans l'affaire Babeuf, puis dans l'attentat du 3 nivôse , et déporté pour ce fait par Fouché. /
Pancemont- Antoine -Xavier Maynaud, évêque de Vannes, incarcéré en 4797 au fort de Ham par le Directoire, fût bientôt après remis en liberté par le Premier consul.
Lorsque les naufragés de Calais arrivèrent au château de Ham, Je 2 frimaire an VIII ( 4799), au nombre de cinquante - deux , parmi lesquels étaient MM. de Choiseul , de Montmorency , de- Vibraye, ils étaient dans le plus complet dénuement. Les habitants de Ham s'empressèrent de leur envoyer du bois, des matelas, des couvertures, de l'argent, des aliments et des méde- cins. C'est à l'humanité des habitants , d'après le rapport même des prisonniers aux Commissaires envoyés, qu'ils durent d'être traités au fort de Ham d'une manière plus humaine. On. sait com- ment ils recouvrèrent leur liberté. M. de Choiseul jeta, de la tour sur l'Esplanade , une lettre attachée à une pierre ; une pauvre femme la trouva et la mit à la poste ; elle était adressée à ri adame de Choiseul. Grâce à cette lettre et à celle de mademoiselle de Choiseul . écrite au premier consul Bonaparte , les prisonniers furent mis en liberté par un arrêté des consuls du 18 frire aire an VIII. MM. de Montmorency et de Vibraye restèrent e.ioore quelque temps à Ham, et les anciens habitants se rappellent avoir vu M. de Montmorency se mêler aux mascarades qui eurent lieu dans la ville déguisé en grand diable vert. On est heureux, au milieu des douleurs de la prison , de trouver quelques pages moins tristes.
Belgradqgu Bellegarde, mulâtre, né à la Martinique, chef de bataillon, «ae-de-camp de Toussai nt-Louverture, pris et ramené en France avec lui, fut enfermé à Ham, le 29 nivôse an XI , où il resta jusqu'au 4 4 février 4814, époque où il fut envoyé à Amiens.
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L'abbé Louis Henrftdé Briosne, arrêté pourpes opinions religieuses et légitimistes et pour son opposition à Bonaparte dans ses rapports avec lé Pape ; transféré de Brest à Ha m, le 17 fructidor an XIII, sorti du fort le 14 février 4844. A sa sortie, âgé de cinquante - cinq ans, il semblait être un centenaire des- cendu vivant encore dans le tombeau anticipé; il ne pouvait plus trouver seul fit la porte de sa chambre, ni même son lit.
En l'an X , on y enferma des Belges accapareurs de grains : Jacques Hoff ma n, maire de Stemproy ; Nicolas de Borman, maire de Brée; — Guillaume Clàessens, Arnould Claessens, marchands à Maseick; — Perren Giclissen ; — Louis Càrdinaels, maire à Keppet; — Godefroy Neven , maire à Cauzille ; — Glaentzer , négociant à St.-Goard : — Charles Parais, négociant à Mayence; Charles- Antoine Razella, id. — Théodore Roethgen , de Grim- ling ; — Jacques Stein berger, de Dormagen ; — Jacques Wittgens, de Grimling ; — Borghmans , Rayemackers , Schellens de Corsendonck ; — Bertrand , d'Anvers ; — Chrétien Esser , de Grimling ; — Grégoire, Lantin , de Sielsaite ; — Jean - Baptiste Vanden Bosch, de Malines ; — Schneider, maire de Nivenheim ; — Kucks, Henri, dé Grimling - Hausen ; — Chrétien Nathieseri, de Norff, etc.
En Tan XII et suivantes, on y envoya les personnes impli- quées dans l'affaire de Moreau, de Georges Cadoudal, de Mallet : François L'Hannard, chef d'escadron, au service de l'Allemagne; — Jean-David Ramel , suisse d'origine ; — Joseph Dulongprey, de Cherbourg ; — Le marquis Jacques Dutheil Larochère ; — Sil vain-Nicolas Dutheil fils, capitaine de dragons ; — Armand- François Hèraclius dePolignac ;— Auguste- Jules- Armand-Marie , prince de Polignac ; — Louis Leridant ; — Théodore Roussigny, chef d'escadron.
De Tan VIII à 4 807, On y enferma des chefs vendéens , parmi lesquels nous remarquons : Desoteux - Cormatin , major de Tannée vendéenne, curieux personnage à tant de titres, et dont parie M. de Lamartine dans le dernier volume de ses Confiden- ces ; — Louis-Daniel, de Corsel, ancien chef de chouans ; puis des soldats plus obscurs: Louis Legoff, de Seglin ; — Ma taurin Penven, deAuray : — MathurinGuyomard, de Merdreynac; — François Thomas, de Guerne ; — Guérin-Jean-Batftfpte Lebras, de Auray ; — Antoine Comelin, de Noyai ; — Clawe-Samson, de Champ ; —Jean Loyer, deMënéac ; — Mathurin Daniel, du Roc-Saint-André ; — Jean Guillemot, de La touche; — François Courtel, de ftiotton ; — Jean Honneur, de Putelange ; — Am-
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broise Denis, dit Desbuttet, du Mans ; — fticolas-Joseph Dequean, de Messe ; — Jean Geene , patron de vaisseau ; — Edouard Boëssulan, né à la Guadeloupe, au service de l'Angleterre ; — Bernard Roubet , employé aux vivres de la marine ; — (Toggia François. Hars François, de Monterblanc ; — Jean Seveno , de Plaudiu ; — Pierre -Anne Dudouil, d'il Des Ruisseaux, deSt.- Malo , ancien capitaine au 2e régiment de la marine à Brest.
En 1806 et 1807, on y envoya bon nombre de prêtres ven- déens : Jean-Baptiste Cesvet , de Raton ; — Charles Denis , de Àuray; — Mathurîn Lemay, de Lominé; — Louis Daniel, de Corset; — Jean -Baptiste Raymond, deTerve; Jean-François Patey, du Mesnil Villeman, etc. ; — un capitaine prussien , .Ernst-Frédéric Stumer ; — unallemand. Ch. Senig, de Veslaer.
En 4809, Pierre-Marin Merlin! de turques; Florentin- Joseph Petit, d'Anez ; — Henri Auguet , de Gauchin ; — François Helart, de Senlenque ;*— Louis-Marie- Hubert Merlin , marin, d'Outreaux ; — Charles Leturgé, de Hautecloque ; — Jean Chau- vel , de Rucca ; — Mathurîn Depagne , de Saint - Postan ; — François Petit, dit Bocquet, de Mareuse.
En 4840, Joseph Ximenès de Godoï, cadet espagnol, prison- nier de guerre, né à Ropesa, Estramadure, âgé de 49 ans. ( Serait-ce un des fils de Don Manuel Godoï, prince de la paix ? )
A l'occasion des discussions avec le Pape , on y enferma , en 4810, plusieurs ecclésiastiques: Mathieu Pauli, ex-vicaire à Neunkerchen ; — JNicolas-Othon Vanckerckoven, curé à Berlaer;
— Corneil Francfc, vicaire à Duffel ; -*■ Pierre Verslappen, curé;
— Guillaume Héslen , curé ; — Vande Goor , curé; — Corneil Dits , vicaire ; — Henri Wouters, récollet ; Henri Aerts. d'Anvers, récollet; —Van Bouwel, curé de Kessel ; — en 484 4 et 4842 : Vanderswalen Conradtis, secrétaire de la mairie de Flessingue, Jean Lyekembrock et Jean Fraser , de Flessingue ; — Korsten , de Midlebourg ; — Luchtens Adrien et Dierickx , prêtres Stive- ntstes; — Dionys, deGierlé, récollet; — Concha Emmanuel, moine espagnol ; — Menendez Ignacio et Pedro Collado, valets de chambre du prince d'Espagne Ferdinand ; — Sorbi , Tripier, St.-Bonnel, Rivoire, Carrega, M ont rond, impliqués dans di- verses conspirations. Parmi ces prisonniers, Sorbi, italien, compromis dans la conspiration de Mallet, parvint à s'échapper du fort. On croit reconnaître les détails de son évasion dans un roman intitulé : Le Cachot de la tour de Ham , ou les deux Frères, Sorbi , dans sa prison , avait fait la connaissance de*
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St. -Bomiel, jeune militaire, enfermé comme lui au château1 de Ham pour avoir entrepris, avec le général Irlandais Kolli, de délivrer les princes d'Espagne, détenus au château de Va- iançey. Ubs deux prisonniers se communiquèrent leurs projets et cherchèrent de concert les moyens de s'évader du fort. Par une soirée d'hiver sombre et pluvieuse, ils s'échappèrent de leur quartier et se rendirent sur les remparts, munis d'une échelle de corde qu'ils avaient fabriquée avec de vieux lam- beaux ; là , après avoir attaché leur mauvaise échelle le plus solidement possible au mur d'enceinte, près delà Grosse tour, ils tiièrent au sort pour savoir qui des deux descendrait le premier. Le sort fut favorable à Sorbi, qui parvint heureusement à terre. Mais la corde se rompit pendant la descente de St.- Bonnel ; il tomba d'une très grande hauteur, et sa tète frappant sur ses genoux, il se cassa plusieurs dents, et se coupa la langue. Meurtri, couvert de sang, il n'en traversa pas moins à la nage le fossé du fort , et se cacha dans les roseaux. Quelques coups de feu ne les atteignirent pas ; il* gagnèrent Compiègne, puis Paris, où ils trouvèrent un reftf^e. Mais peu de temps après, St.-Bonnel, victime d'une dénonciation , fut repris et envoyé à Vincennes.
A la rentrée de Louis XVIII , le château de Ham renfermait encore, indépendamment de douze prêtres français , quarante- cinq prisonniers, parmi lesquels on remarquait : dix prussiens du corps de Lutzow ; — de Kropf , Charles , de Sanowski Jean, chefs d'escadron; — d'Aschembach, Ferdinand, capitaine; — Gunppuis, François, de Norman n, Charles, d^febra, Frédéric, d'Oppeln Jean, de Fleurs Henri-Julien, lieuteJHnts ; —de Moel- lendorf, aide -de-camp ; — le comte de Hammerstein Hans, général de division au service de la Wesphalie ; — un capitaine russe, Lelowskoy, Ignace; — dix-huit prêtres belges ou bretons ;
— un général anglais , Jacques Campbell et Lina Sassen , sa femme; — Carmelingh, Henri , capitaine du génie , hollandais;
— Lemor, Hartog, médecin d'Amsterdam ; — Carrega, Antoine- Louis, corse, ancien militaire et, disait-on, cousin de Napoléon ;
— Couchery, Victor, frèfre du député , impliqué dans l'affaire Moreau; — Buchel, Pierre, prêtre; — Rivoire, Jean-Pierre, de Lyon , médecin français ; — Concha , moine espagnol ; — six chefs vendéens , parmi lesquels d'Espinay Saint*- Luc Adrien- Joseph , maréchal de camp, émigré non amnistié, rentré en France sans autorisation ; âgé de 71 ans, ii ne faisait plus que végéter au château de Ham, et t'J en était venu au point de ne plus savoir où it était ; — Lerictant, de Vannes; — Jacques Rigobert
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Bazin, homme de lettres, rédacteur d'un journal intitulera Démocrate, auteur des Lettres françaises et des Lettres philoso- phiques, dans lesquelles il donne de curieux détails sur le général Mallet dont il était l'ami.
Bazin et deux de ses compagnons de captivité étaient parvenus à tromper leurs gardiens, et quelque hauts que soient les murs du château de Ham , ils les avaient heureusement franchis , lorsqu'ils furent rencontrés par un paysan , qui les dénonça ; on courut après eux et on les ramena au fort , où ils furent mis au cachot, avec les fers aux pieds et aux mains pendant un an.
Sous l'Empire, le château de Ham était occupé par la garde départementale. Le régime Intérieur était confié à un com- mandant, un concierge et quatre gardiens. Les détenus étaient séparés en quatre quartiers. La promenade était réglée et mesurée à chaque quartier ; elle durait deux heures. Chaque prisonnier recevait 25 sous ; plus tard, 35 sous.
Louis XVIII ,î par uqe ordonnance du 11 mai 1814, 6ta au château de Ham sa destination de prison d'Etat , ce qui ne l'em- pêcha pas d'y envoyer en 1846, le baron de Travot, lieutenant- général , condamné à mort par le conseil de guerre de Rennes, et dont la peine avait été commuée en vingt ans de prison. La raison du malheureux Travot, qui était alors presque sexagé- naire, se troubla à l'idée de cette longue captivité, et, lorsqu'il arriva à Ham le 11 avril !8i6, elle était entièrement aliénée. L'histoire contemporaine doit un juste tribut d'éloges au dévouement de sa courageuse épouse qui l'accompagna à Ham , plaida è Paris la cause du malheur et obtint , après deux ans , la grâce du malheureux général dont la raison ne revint jamais.
En 1816, le maréchal Moncey y fut enfermé pour avoir refusé de juger le maréchal Ney.
Du Roy de Chaumarey, capitaine du malheureux équipage de la Méduse, y a subi, de 1817 à 1819, les trois années de détention auxquelles l'avait condamné le conseil de guerre de Rochefort, le 3 mars 1817.
La révolution de 1830 y a envoyé les ministres de CharlesJX , à la suite d'un jugement de la cour des pairs du 21 décembre 1830. Le 29 on y amena de Vincennes MM. le prince Auguste- Armand-Marie de Polignac, pair de France, ministre des affaires étrangères et président du conseil des ministres ; II. le comte Pierre -Denis de Peyronnet, pair de France, ministre de
(d'Mirie.t. 3.) fi
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l'intérieur ; M. de Chantelause, Jean-Claude-Balthazar Victor, ministre de la justice, député; M. de Guerrion-Ran ville, Martial- Côme - Annibal- Perpétue - Magloire , ministre do l'instruction publique, député. C'est au château de Ham que M. de Polignac composa ses Etudes historiques, philosophiques et morales , et M. dePeyronnet son Histoire des Francs. (1) Ces quatre ministres ont
(1) M. P. Bédouin, ancien bâtonnier des avocats à Boulogne-snr- Mer, habitant maintenant Valenciennes, noua communique une lettre autographe de M. le comte de Peyronnet, datée du 93 janvier 1831. Cette lettre nous a paru d'autant plus intéressante, pour l'article que nous publions, qu'elle a été écrite dans le château de Ham, et témoigne des nobles sentiments, de l'esprit plein de grâce, de distinction, et delà haute philosophie chrétienne de l'illustre prisonnier. Nous croyons ne pas commettre une indiscrétion en faisant connaître cette lettre, véritable pièce historique, aux lecteurs des Archives du Nord. La voici :
« On vous dit ?.. . oh, oh, mon cher avocat, vous avez besoin qu'on vous dise que le prisonnier se réjouira s'il Tecoit de vous une marque de souvenir et d'affection ! Le beau procès que je vous fêtais, tout licencié ès-leix que vous êtes, si je n'étais pas interdit ! Rendez-donc grâce à l'arrêt \ oui, rendez-lui grâce, je vous prie, car vous seriez bien et due* ment condamné, si la joi« de* assignations et des plaidoyers n'était pas, Dieu merci, finie pour moi . Malheureusement, ce n'est pas la seule à laquelle il m'ait fallu renoncer. Adieu les bons dîners, les bons entre- tiens, la bonne politique d'un certain salon circulaire, où l'on discutait, disputait et s'accordait si parfaitement. Fugaces labunlur. . . Ce mé- chant Horace nous a porté malheur. Le voilà pourtan t sur mes nouveUes tablettes, avec les bons compagnons que je n'ai pu encore lui donner. Ne me conseillez-vous pas de le réformer et de le chasser ? En vérité, .tout aimable qu'il est, j'en ai quelquefois la fantaisie. Qu'ai-jeâ faire de ce radoteur, qui m'assure que je puis très-bien vivre de peu, que l'abondance est fastidieuse, et qu'il n'y a rien au monde d'ennuyeux comme une mai- son bien étoffée où Ton ne manque de rien ? En ce cas, mon ami, vous pouvez croire que je suis en bon lieu pour avoir du plaisir ; car je ne sais guère de quoi l'on n'y manque point. Pas de sang-froid pourtant, ni de résignation, ni de patience : ce sont provisions déjà faites et que j'avais apportées. Aussi m'en trouvé-je amplement pourvu. La santé aussi ne me fait point faute. Mais pour le reste, disette absolue. Et pour- tant, mon cher avocat, je vous jure que je ne suis point malheureux, que ce serait folie de me plaindre, qu'il faut m'ai mer, m'aimer encore, m 'ai mer toujours, et puis voilà tout . Adieu. »
De PBv?.0!rNCT.
Ham, 33 janvier 1831.
(Note de la rédaction dos Archives du \ord-)
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été mis en liberté en 1836 ; M. de Polignac est parti le 29 no* vembre 1836 pour Calais où il s'est embarqué. ; M, de Peyronnet pour C 1er mont- Ferrand (Gironde); M. de Chantelause le 20 octobre 4836 pour le département Se la Loire ; M. de Guernon le 24 novembre 1836 pour Ranville (Calvados.)
Le 17 juillet 1840, don Ramon Cabrera , chef carliste, cbassé de l'Espagne, par Espartero , fut conduit au fort de Ha m par mesure politique. Il y resta peu de temps , car il fût évacué sur Lille le 9 août 1840. Plus tard il trompa la vigilance de la police française et il rentra en Espagne en 4847.
Le prince Charles-Louis-Napoléon y arriva le 7 octobre 1840 par suite d'un jugement de la Cour des pairs rendu la veille. Ce fut pendant son séjour à Ham qu'il composa ses Etudes sur le passé et V avenir de V artillerie, ouvrage plein de curieuses recher- ches ; — • Analyse de la question des sucres (1842) ; — Fragments historiques ; — De V extinction du paupérisme en France.
Louis-Napoléon s'échappa du fort de Ham sous un déguisement le 25 mai 1846. Si les habitants de Ham virent avec plaisir celui qui avait su s'attirer leur sympathie rendu a la liberté, d'un autre côté, dans l'intérêt des malheureux , ils regrettèrent vivement son éloignement , en se rappelant les œuvres de bien- faisance que sa main généreuse avait répandues de toutes parts autour de lui.
Le même jugement de la cour des pairs y avait envoyé M. le docteur Conneau et M. le général Afontbolon. M. le docteur Henri Conneau, médecin du prince , mis en liberté en 4844, resta prisonnier avec Louis - Napoléon jusqu'à l'époque de son évasion. M. le général Charles-Tristan de Montholon, maréchal de camp, déjà compagnon de captivité de l'Empereur à Sainte- Hélène, a été mis en liberté le 43 juillet 4846, après l'évasion du prince. C'est pendant son séjour à Ham que M. de Montholon a publié V Histoire de la captivité de Sainte-Hélène. La préface est datée du château de Ham (5 juin 4844.)
M. Charles Thélin, attaché au service du prince Louis- Napoléon , autorisé à se constituer volontairement prisonnier , s'échappa avec lui le 25 mai 18 46.
M. Demarle, Auguste , commandant d'armes au château de Ham , mis en état d'arrestation , le 26 mai 1846 , par suite d l'évasion du prince Louis-Napoléon, fut rais en liberté le 46 juin 4846.
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La révolution de 1848 y exila le chef arabe Mohamed-Ben- À bd- Allah, mieux connu par le surnom de Bou-Maza (mol à mot le père de la chèvre)^ schérif arabe , se disant représentant de la volonté divine. Après avoir combattu pendant deux ans nos armées en Afrique, il fut à la fin réduit à fuir , abandonné de toutes les populations nomades, fatiguées de la guerre. Il com- prit alors seulement la force de nos armes et vint se rendre, le 13 avril 1847. au colonel de St.-Arnauld, en lui disant : c J'ai fait tout ce que j'ai pu pour ma religion et pour mes frères; tu es celui des Français contre lequel j'ai le plus souvent combattu , c'est à toi que je veux me rendre. » Ramené en France, il fût traité à Paris plutôt comme un hôte que comme un prisonnier. A la révolution de février, il chercha à profiter du premier moment de trouble pour s'échapper, et il allait s'embarquer à Brest, lorsqu'il fut arrêté, puis écroué dans la prison de Ham , le 10 avril 4848. Le prince Louis -Napoléon , lors de la visite qu'il fit, le 22 juillet 4849, aux habitants de la ville de Ham , adoucit la captivité de Bou-Maza, en lui donnant la ville pour prison et en augmentant la pension que lui faisait le gouvernement français.
A la suite de la dissolution de l'Assemblée législative, décrétée par le Président de la République, le 2 décembre 4864 , les portes du fort se sont ouvertes pour recevoir huit membres de cette assemblée : MM. les généraux Cavaignac, Changarnier, de Lamo- ricière, Bedeau, Le Flô, M . le colonel Charras, MM. Baze et Roger (du Nord.)
M. Roger (du Nord) a été mis en liberté le 43 décembre 1854 . M. Cavaignac le 49 décembre 4854, M. Le Flô est parti pour Boulogne, pour être conduit en Angleterre le 8 janvier 4858. M. Charras pour Bruxelles, le 8 janvier 4852 ; M. Baze pour Aix- la-Chapelle, le 8 janvier 1 852 ; M . Changarnier pour Mons , le 8 janvier 4852 ; M. Lamoricière, pour Bruxelles, le 9 janvier 4852.
Quel singulier et méditatif tableau nous offre cette revue des prisonniers de Ham, et combien l'histoire de cette forteresse est féconde en grands enseignements ! Ch. GOMART.
Saint-Quentin, le 40 janvier 4852*
CAHIER
SERVANT A L'ENREGISTREMENT DES INDIVIDUS DETENUS EN CE CHATEAU , EN VERTU DBS ORDRES DU GOUVERNEMENT.
' Commençant au 48 germinal, an Vlll. 1 . Dezoleux Cormatin , ox - major de l'armée vendéenne , âgé de
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45 ans , enfermé le 18 germinal an Vlll, par ordre du ministre de la police. — Mis en liberté le 8 brumaire , an 11 , par ordre du minisire de la justice.
3. Jacques Hoffman, ex-maire de Sieraproy, département de la Meuse- Inférieure, âgé de 30 ans, enfermé le 8 vendémiaire, an X. par ordre du ministre commissaire du 'gouvernement dans le départe- ment de la rive gauche du Rhin , prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Mis en liberté le 12 floréal , anX, par ordre du mi- nistre de la police.
3. Nicolas de Barman, ex-maire de Brée, déparlement de la Meuse- Inférieure âgé de 35 ans , enfermé le. 8 vendémiaire , an X , par ordre du ministre commissaire du gouvernement dans les départe- tements de la rive gauche du Rhin, prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Mis en liberté le 23 nivôse, an X.
4. Guillaume Claessens, marchand à Maseick, département de la Meuse-Inférieure , âgé de 48 ans , enfermé le 8 vendémiaire, an X, par ordre du ministre commissaire du gouvernement , etc. — Pré- venu d'exportation de grains à l'étranger . — Mis en liberté le 12 floréal an X, par ordre du ministre de la police.
5. Ârnould Claessms, marchand à Maseick, département de la Meuse- Inférieure , âge de 4? ans , enfermé le 8 vendémiaire an X , par ordre du ministre commissaire du gouvernement , etc. , prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Mis en liberté le 12 floréal, an X, par ordre du ministre de la police.
6. Perrm Gidissm, boucher à Maseick, âgé de 38 ans, enfermé le 8 vendémiaire, an X , prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Mis en liberté le 12 floréal an X.
7. Louis Cardmaels, maire à Keppel, enfermé ie 8 vendémiaire an X, prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Mis en liberté le 12 floréal an X.
S. Godefroy Nevm, ex maire à Cauzille , enfermé le 8 vendémiaire an X, prévenu d'exportation de grains à l'étranger.— Mis en liberté le 12 floréal , an X.
9. Glamtoer, négociant à St.-Goard, département de Rhin - et- Mo- selle, enfermé le 8 vendémiaire , an X , prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Conduit à Mayence le 7 floréal, an X, par ordre du ministre de la police.
10. Charles Parctts , négociant et honnne de loi à Mayence, 39 ans , enfermé le 15 vendémiaire, an X , prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Mis en liberté le 30 nivôse an X.
11. Charles - Antoine Rasella , négociant a Mayence , enfermé le 15
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vendémiaire , an X , prévenu d'exportation de grains à l'étranger.
— Mis en. liberté le 30 nivôse, anX. *
42. Théodore Roethgen, fabricant d'eau- de-vie à Grimling - Hausen, enfermé le 1 5 vendémiaire an X, prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Mis en liberté le 12 floréal au X.
i3. Jacques Steinberger, brasseur à Dormagen, enfermé le 4" bru- maire an X , prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Mis en liberté le 12 floréal an X.
44. Jacques Wittgms, aubergiste à Grimling - Hausen , enfermé le *«' brumaire an X, prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — 44 is en liberté le 12 floréal, an X.
4 5. Borghmans, cultivateur, demeurant a Corsendoock, enfermé le 4 er brumaire an X, prévenu d exportation de grains à l'étranger.
— Evadé le 13 germinal an X.
16. RayemackerSy gardeur de vaches à Gorsendouck , enfermé le l«r brumaire an X, prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Evadé le 13 germinal, an X.
47. Schellens, meunier à Goraendonck, enfermé le 1er brumaire an X, prévenu d 'exportation de grains à l'étranger. — Mis en liberté le 20 prairial an X.
18. Bertrand, ex-employé des douanes à Anvers, enfermé le 1er bru- maire, an X, prévenu d'exportation de grains à l' étranger. — Mis en liberté le 20 prairial an X.
49. Chrétien Esser , marchand de charbon de terre à Grimling-Hau- sen, enfermé le 11 brumaire anX, prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Mis en liberté le 12 floréal anX.
20. Grégotret propriétaire à Sielsaite , enfermé le 24 brumaire an X , prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Mis en liberté le 28 prairial an X.
21. Lautin, propriétaire à Siels&ite, enfermé le 24 brumaire anX, prévenu d'exportation do grains à l'étranger. — Mis en liberté le 28 prairial an X.
22. Jean-Baptiste Vanden Bosch, batelier à M&lines, enfermé le 14 frimaire an X, prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Evadé le 13 germinal an X.
23. Schneider , ex- maire de Niveuheim , près Cologne, enfermé le 3 nivôse an X, prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — MU en liberté le 12 florial an X.
24. Kucks (Henri), fermier a Grimling- Hausen, enfermé le 3 nivôse
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an X, prévenu d'exportation de grains à l'étranger. — Mis en li- berté le 12 floréal an X.
35. Chrétien Mathiesen , adjoint de Roselien , maircrie de NorflT, arrondissement de Creveld, enfermé le 3 nivôse au X, prévenu d'exportation de grains A l'étranger. — Décédé âgé de 35 ans, le- 15 mivôse an XI.
36. Louis Bellegarde, ex-chef de bataillon, adjoint aux adjudans com- mandans, Agé de 38 ans (né à la Martinique, mulâtre), transféré de Brest à Ham, le 29 nivôse an XI. —Sorti le 6 mai 1807.
27. François L'Hannard, ex - chef d'escadron au service de l'Allema- gne, né à Goutances (Manche), extrait des prisons de Dunkerque et transféré à Ham le 15 fructidor , an XI, transfère A Bicélre , le 4 thermidor, an XII.
38. Jean-David Ramel, loueur de carosses, ué & Aubone en Suisse, Agé de 50 ans, transféré de Bicétre A Ham, le 26 fructidor an XII, déporté en Suisse, le 5 thermidor, an XII.
39. Joseph tyulongprey, négociant, né à Cherbourg (Manche), Agé de 51 ans, transféré du Temple à Ham, le 15 ventôse , au XII, trans- féré le 23 ventôse, an XII, au château de Joui.
30. Jacques DutheU Larochere, ci-devant marquis, arrivé le 15 ven- tôse, an XII, transféré au chAteau de Joux, le 93 ventôse, an XII.
31. Silvain-Nicolas DutheU fils, ci-devant capitaine de dragons, arrivé le 15 ventôse, an XII, transféré au chAteau de Jbux, le 23 ventôse an XII
39. Armand-François- Heraolius PoHgnac, ex-noble, 31 ans, détenu le 7 messidor, an XII, et transféré A Paris, le 28 pluviôse, an XIII, dans une maison de santé du faubourg S t- Antoine.
33. Jules Polignac ex-noble, 22 ans, détenu le 7 messidor, an XII et transféré A Paria dans une maison de santé, le 28 pluviôse, au Xlll.
Ici on trouve sur le registre d'écrou la mention suivante :
De toute les personnes qui suivent et qui se trouvaient encore détenues à Ham ou 16 août 1807, les noms ont été reportés sur le registre d écrou qui suitt ouvert le 16 août 1807.
1 . Louis Leridant. commis-négociant, Agé de 26 ans, arrêté par ordre de l'Empereur, arrivé A Ham le 8 messidor, an Xll. — Parti le 16 juin 1810 pour Amiens , et mis en résidence dans une commune distante de 50 lieues de Paris.
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2, Théodore Roussigny, ex-chef d'escadron au service de la Russie, né a Alençon, âgé de 39 ans, arrêté par ordre de l'Empereur, arrivé & Ham le H thermidor, an XII ; transféré le 15 juillet 1809 pour le château de Bouillon.
5. Louis Legoff, soldat, né à Seglrn (Morbihan), 54 ans, transféré de Joux à Ham le 16 brumaire, an XIII, transféré à Clairvaux (Aube), le 96 août 1811.
4. Mathurin Penven, soldat, né à Auray (Morbihan), 28 ans, arrivé le 16 brumaire, an XUI, mort le 17 septembre 1808.
5. Mathurin Gugomard, soldat, né à Merdreynac, 23 ans, arrivé le 16 brumaire, parti le 16 juin 1810. Mis eu résidence dans une com- mune distante de 50 lieues de Paris.
6. François Thomas, soldat, né à Guerne (Morbihan\ 34 ans, arrivé le 16 brumaire, an XUI, décédé le 22 décembre 1808.
7. Guérin, Jean-Baptiste Lebras, cordonnier, né à Auray (Morbihan), arrivé le 16 brumaire, an XUI, transféré à Clairvaux (Aube), le 26 août 1811.
8. Antoine Comelm, soldat, né à Noyai (Morbihan), 30 ans. Enfermé le 16 brumaire, an XIII ; transféré à Clairvaux (Aube), le 96 août 1811.
9 Claude Samson, meunier, né à Champ (Morbihan), 36 ans. En- fermé le 16 brumaire, an XIII, transféré à Clairvaux (Aube), le 96 août 1811.
10. Jean Loyer, laboureur, né à Menéac (Morbihan), 33 ans. Enfermé le 16 brumaire, an XIII, transféré à Clairvaux le 96 août 1811.
11 v Mathurin Dante/, soldat, né au Roc St- André (Morbihan), 44 ans, enfermé le 16 brumaire, an XIII, transférée Clairvaux le 96' août 1811.
12. Jean Guillemot, charpentier, né a Latouche, commune de Ménéac, (département du Morbihan), 19 ans, enfermé le 16 brumaire, an XUI, transféré à Clairvaux le 96 août 1811.
13. François Cour tel, menuisier, né à Motion, âgé de 35 ans. Enfermé le 16 brumaire, an XIII; transféré à Clairvaux le 26 août 1811.
4. Jean Honneur t soldat armurier, né à Putelange, 33 ans, enfermé le 16 brumaire, an XIII ; transféré a Paris le 6 septembre 1813.
15. âenri-Louis Briosne, prêtre, né à Lamballe (Côtes-du-Nord), 50 ans, entré le 17 fructidor, an XIII ; transféré à Amiens le 14 fé- vrier 1814.
16. Ambroise Denis, dit Desbuttet, soldat, né au Mans (Sarthe), 97 ans,
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enfermé le 5° jour complémentaire de l'an XIII, évadé avec eflrac- • lion du secret, avec Boêssulan , daas la nuit du 13 au 14 mare 1808» ayant passé par la. cheminée et descendu de la tour de la salle d'armes dans le jardin.
O. Nicolas-Joseph Dequean, soldat au M« cuirassiers, né à Messe (Pas-de-Calais), 36 ans, entré le 5 vendémiaire, an XIV» parti le 28 mai 4810 pour aller en surveillance dans ses foyers.
48. Jean G*m*, patron de vaisseau, né à Gertrindenberg (Hollande), 45 ans, entré le 4 frimaire, an XIV, sorti le 14 août 1811.
19. Edouard Boëisulan, ex-militaire, au service de l'Angleterre, né à la Guadeloupe, 30 ans, enfermé le 9 mal 1806, évadé avec effrac- tion du secret, avec Desbuttet, dans la nuit du 13 au 14 .mars 180S.
90. Jean-Baptiste SUernon , prêtre , né à Falmagne (département de Sambre-et-Meuse), 51 ans, entré le 94 mai 1806, transféré à Amiens le 14 février 1814.
91. Bernard Roub$t, ex-employé aux vivres de la marine, né à Bor- deaux, 36 ans. Enfermé le 8 juillet 1806, transféré à Paris le 6 septembre 1813.
99. Jean-Baptiste Castrai, prêtre, né à Bâton (Vienne) , 68 ans, en- fermé le 91 août 1806, mort le 98 août 1807.
93. Charles Demi, prêtre, né à Auray (Morbihan), 44 ans, enfermé le 31 décembre 1806 ; parti le 99 avril 1809, mis en résidence hors des départements de l'Ouest.
94. Mathurra bemay, prêtre, né à Lominé (Morbihan), 61 ans, enfer- mé le 21 décembre 1806, parti le 29 avril 1807, mis en résidence hors des départements de l'Ouest.
95. Louis Daniel, ancien chef de chouans, né à Gorsel (département des Cotes-du-Nord), 33 ans, enfermé le 90 janvier (807 ; transféré à Paris le 6 septembre 1813.
26. Jean-Baptiste Raymond, prêtre, né à Terve (déparlement des Deux-Sèvres), &9 ans, entré le 30 mars 1807; transféré à Paris le 6 septembre 1815.
97. Emet, Frédôrie-Stnmer, capitaine prussien, néàfiresslaw (Silé- sie, Prusse), 58 ans, enfermé le 14 septembre 1807, parti le 31 oc- tobre 1807 sur parole pour se rendre au dépêt de Nancy.
98. Toggia, François, professeur vétérinaire, né à Monterblanc (Mor- bihan), 63 ans, enfermé le 96 novembre 1807, parti le 92 avril 1809 pour Amiens.
29. François Fars , cultivateur, né à Monterblanc (Morbihan),, enfermé le 10 janvier 1808, mort le 3 avril 1808.
30. Jean Seveno, meunier, né à Plaudreo (Morbihan), 30 ans, entré le 10 janvier t808v parti le 26 août 1811 ponr Clairvaux.
31. Jean-François Patey, prêtre fanatique, né à Me?n!l-VUleman (Manche), 47 ans. Enfermé le 5 août 1808 et transféré à Amiens le 14 février 1814.
32. Pierre-Anne Dudoult , dit Des Ruisseaux, chef de timonier, ci- devant employé comme capitaine dans le 2* régiment de Brest ma- rine, d'où il a été renvoyé. Né à St.-Malo, 33 ans, arrêté le 1" septembre 4808, transféré à Rouen le 12 février 18M.
33. Charles Senig, ex-militaire } né à Weslaer (Allemagne), entré le 10 avril 1809, mis en liberté le 14 août 1811.
34. Pierre-Marin Merlin, instituteur primaire, né à Surques (Pas-de- Calais), né le 25 février 1776, entré le 20 avril 1809, mis en liberté le 14 août 1811.
36. Florentin-Joseph Petit, fils, chaufournier, né à Anez (Pas-de-Ca- lais), en 1779, enfermé le 20 avril 1809, mis en liberté le 14 août 1811.
36. Henri Âuguet, journalier, né à Gauchin (Pas de-Calsis), enfermé . le 20 avril 1809, parti le 2 avril 1810 en surveillance dans ses foyers .
37. François Helart, cabaretier, né à Senlecque (Pas-de-Calais) , en- fermé le 20 avril 1809, parti le 2 avril 1810, en surveillance dans ses foyers.
38. Louis-Marie-Hubert Merlin, marin, né à Outréaux (Pas-de-Calais), entré le 20 avril 1809, mis en liberté le 14 août 1811.
39. Charles Leturgé, journalier, né A Hantecloque (Pas-de-Calais). Enfermé le 20 avril 1809, parti le 3 avril 1810 en surveillance dans ses foyers.
40 Jean Chauvel, aubergiste, né à Ruca (Cotes-du-Nord), en 1760. Entré le 22 avril 1809 et parti le 28 avril 1810, pour une destina- tion éloignée des côtes, où il doit rester en surveillance.
41. Mathurin Depagne, couvreur, né à St. -Posta n (Côles-du-Nord), en 1783. Entré le 29 avril 1809, et parti le 98 avril 1810, pour une destination éloignée des eûtes où il doit rester en surveillance.
49. François Petit, dit Bocquet, chaufournier, né à Mareuse (Pas-de- Calais',, 52 ans, enfermé le 19 mai 1809; mis en liberté le 14 août 1811. .
43. Joseph Ximenès de Vega Godoi, cadet espagnol, prisonnier de guerre, né à Ropeaa en Estramadoure, âgé de 19 ans (un coup de feu au mollet gauche), entré le 99 janvier 1810, sorti le 2 août
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1810 pour se rendre à l'armée de Naples, étant nommé sous-lieu- tenant au régiment é'Issembourg (décret du 29 juin 1810.)
44. Mathieu Pauli, ex-vicaire, né à Neunkerchen ( département de la Sarre), 35 ans, entré le 18 mai 1810, maintenu en détention jusqu'à ce que les discusseions avec le Pape, soient terminées. Transféré à Amiens, le 14 février 1814, et mis en liberté le 6 avril suivant.
45. Nicolas-Olhon Vancktrckovm, curé à Bertaer (département des • Deux-Nethes), 58 ans, né à Bruxelles , entré le 6 juillet 1810,
Maintenu en détention jusqu'à ce que les discussions avec le Pape soient terminées. Transféré à Amiens le 14 février 18 U et mis en liberté le 6 avril Buivant.
46. Cornell Franck, vicaire à Duffel, né à Heyat op don Berg, 50 ans, entré le 6 juillet 1810, maintenu en détention jusqu'à ce que les discussions avec le Pape soient terminées. Transféré à Amiens le 14 février 1814 et mis en liberté le 6 avril suivant.
47. Pierre VersUtppm, vicaire à Kessel (Deux-Nethes), 40 ans, né à Geel. entré le 5 juillet 1810, maintenu en détention jusqu'à ce que les discussions avec le Pape soient terminées. Transféré à Amiens le 14 février 1814, et mis en liberté le 6 avril suivant.
48 Guillaume Heslen, curé à Gestel, né à Zoerle, 40 ans, enfermé le 6 juillet 1810, évadé de la plate-forme où 11 était détenu le 51 juillet 1811, entre six et sept heures du matin.
49. Vande Goor, curé à Tengerloo (Deux-Nethes), néàTurnhout, 51 ans, entré le 18 mai 1810, transféré à Amiens le 14 février 1814 et mis en liberté le 6 avril suivant,
50. Gorneil Dits, vicaire à Poeilerlé (Deux-Nethes), né à Beersse, 37 ans, entré le 18 mai 1810, transféré à Amiens le 14 février 1814 et mis en liberté le 6 avril suivant.
51. Henri Woutors, ex -récollet, résidant à Anvers, né à Tilborg (Hollande), 55 ans, entré le 18 mai 1810, transféré à Amiens le 14 février 1 81 4 et mis en liberté le 6 avril suivant.
52. Henri Aarts, prêtre séculier, résidant à Anvers, né à Lummen (Meuse-Inférieure), 50 ans, entré le 18 mai 1810, transféré à Amiens le 14 février 1814 et mis en liberté le 6 avril suivant.
65. Van Bouwd, Adrien-François, curé de Kessel, né à Herenlhout, 55 ans, entré le 18 mai 1810, transféré à Amiens le 14 février 1814 et mis en liberté , le 6 avril suivant .
54. Vandernoalm, Conradus, ex-secrétaire de la mairie de Flessln- gue, né à Fleseingue (Bouches de l'Escaut), 51 ans, entré le 14 septembre 1819, transféré à Paris le 6 septembre 1815.
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55. Luchtmt. Adrien, prêtre sttvenlste ou insoumis, né à St. -Pierre près Eughien (déparlement de Gemmapes), 54 ans, entré le 99 septembre 1819, transférée Amiens le 14 février 1814.
56. Dierickx, Philippe- Joseph, stiveniste on prêtre insoumis, né à Tollembeek (département de la Dyle), 61 ans, enfermé le 99 sep- tembre 1819, transféré à Amiens le 14 février 1814.
Ici le registre est vu et paraphé par le comte Jollivet, inspecteur des prisons d'Etat.
Le 98 septembre 1810. {Signé) Le comte Jollivet,
57. Meneadez, Ignacio, valet de chambre des princes espagnols, né à Madrid, 45 ans, enfermé le 99 septembre 1812, mis en liberté le 19 décembre 1813.
58. Pedro Collado dit Chamore, valet de chambre du prince Ferdinand (d'Espagne), né à Colmenard, près Madrid, 45 ans, enfermé te 99 septembre 1819, mis en liberté le 19 septembre 1813.
58. Buehel, Pierre, ex-prètre de l'arrondissement de Prum (Sarre), né àHitlesheim, 38 ans, entré le 8 juillet 1812, transféré à Amiens le 14 juillet 1814, mis en liberté le 6 avril suivant.
60. Concha, Emmanuel, espagnol, moine de Saint- Augustin, prévenu d'intelligence avec les ennemis de l'Etat, né à Ponteléas (Gailicie), 36 ans, entré le 13 août 1819, transféré à Reuen le 19 février 1814.
61. Sorbi, François, professeur de langue italienne, prévenu de ma- noeuvres contre la sûreté de l'Etat, né à Rome, domicilié & Madrid, 31 ans, enfermé le 15 août 1811, évadé le 25 février 1819 à l'aide d'escalade, entre 4 et 5 heures du soir.
62. Tripier, André - Jeau, propriétaire, prévenu de communication avec l'ennemi, ancien agent de la correspondance des chouans, né à Mayenne, domicilié à Than, 46 ans. entré le h 3 août 1811, trans- féré à Paris le 5 décembre 18 13.
63. St-Bonnel, Albert-Constant, né a Paris, 27 ans, rentier, prévenu de manœuvres contre la sûreté de l'Etat, enfermé le 43 août 1811, évadé le 96 lévrier 1812 avec Sorbi.
64. Rivoire, Jean-Pierre, médecin, condamné à la déportation et évadé de prison, né à Lyou (Rhône), Agé de 35 ans, entré le 13 août 181 1 , transféré à Rouen le 19 février 1814.
65. Carrega, Antoine-Louis, né à Ajaccio (Liamotie), domicilié à Paris, ancien militaire français, prévenu de manœuvres contre la sûreté de l'Etat, 48 ans, entré le 13 août 1811, transféré à Rouen le 19 février 1814.
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66. Afattronrf, Casimir, rentier, né à Besançon, 42 ans, domicilié à Paris, entré le 3 octobre 1811, mis en liberté le $9 novembre 1811.
69. Baxm, Jacquea-Rigobert, né au Mans (Sarthe), 40 ans, domicilié A Paris, homme de lettres, arrêté pour n'avoir pas obéi A l'ordre qui l' éloignait de Paris. Entré le 6 octobre 1811 , transféré A Rouen le 19 février 1814.
68. Couchery, Victor, 39 ans, employé à l'inspection générale delà gendarmerie, né A Besançon, domicilié à Paris, prévenu de menées contre la sûreté de l'Etat. Entré lo 6 octobre 1811, transférée Rouen le 1 2 février** gft*\
69. WEspinay St. -Luc, Adrien -Joseph, Agé de 71 ans, né au Bois- Baril (Enre), domicilié A Paris, général, Comte germanique, au ser- vice de l'Autriche, ex- Maréchal de camp depuis le 9 mars 1788, émigré non amnistié, rentré en France sans autorisation. Entré le 6 octobre 1811, transféré A Amiens le 14 février 1814.
70. Lyckmbrock, Jean, 49 ans, né A Schyedam (département des Bouches-de-la-Meuse), domicilié A Flessingue, estropié du bras droit, ex-secrétaire, interprète général, prévenu de manœuvres frauduleuses. Entré le 6 octobre 1811, transféré A Paris le 6 sep- tembre 1813.
7 1 . Frazer, Jean, 35 ans 1|2, né A Flessingue, ex-receveur des droits- réunis, prévenu d'intelligence avec les ennemis de l'Etat. Entré le 6 octobre 1811, transféré A Paris le 6 septembre 1813.
72. Korsten, Jean-Marin, 37 ans, né A Zieriksée (Zeelaudo), domicilié A Mldelbourg, marchand, prévenu de manœuvres frauduleuses. Entré le 6 octobre 181 1, mis en liberté le «6 mai 1819 pour être mis en surveillance.
73. Dùmys, Joseph, né AGierlé, domicilié A Lierre, ex-récollet, prévenu de manœuvres séditieuses. Enfermé le 4 décembre 1811, transféré A Amiens le 14 février 1814.
74. Lêrietamt, Jean-Marie, 36 ans, propriétaire, né A Vannes (Morbi- han), prévenu de correspondance avec les ennemis de l'Etat. Entré
, le 31 mars 1813, transféré A Rouen le 13 février 1814.
75. Léman Hartog, médecin, 49 ans, né A Amsterdam, complice de manœuvres frauduleuses. Enfermé le 10 avril 1813, transféré A Anvers le 14 février 181 4 et mis en liberté le 16 avril suivant.
76. Campbell, Jacques, officier, Agé de 73 ans , né A Bellevue en Ecosse, domicilié A Edimbourg, enfermé le 17 mai 181 3, transféré A Amiens le U février 1814.
77. Sassm Lina, femme Campbell, âgée de 36 ans, né A Orfrise
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(Ecosse), enfermée le 17 mai 1613, transférée à Amiens le 14 fé- vrier 1814.
18. De Kropf, Charles f chef d'escadron prussien, 28 ans, né à'Post- dam, domicilié à Berlin. Entré le 15 juillet 1813, transféré àSt.- Michel le 42 février 1814.
79. De Sanowsky, Jeau, capitaine, se disant cher d'escadron au ser- vice de la Prusse, 36 ans, né à Gorael en Prusse, domicilié à Pransbourg (Prusse) ,, entré le 15 juillet 1813, transféré àSuMlchel, le 19 février 1814.
80. D'Aschenbach, Ferdinand, capitaine au service de la Prusse, 37 ans, né à Bergarde (Poméranie), domicilié à MilUh (Silésie), entré le 1» juillet 1813, transféré à Si. -Michel le 19 février 1814.
81. Lelowskoy, Ignace, capitaine russe, 98 ans, né à Calonga (Russie), entré le 15 juillet 1813, transféré à St.-Michei le 12 fé- vrier 1814.
82. Cunppuis, François, lieutenant prussien, 91 ans r né * Siégnard (Prusse), domicilié à Stetlin, entré le 15 juillet 1813, transféré à St- Michel le 19 février 1814.
83. De Normann. Charles, lieutenant prussien, 41 ans, né à Fen- richlnoch [Prusse), domicilié à l'Isle d'Usedom, entré le 15 juillet 1813", transfère à St. -Mi ch elle 19 février 1814.
84. De Nebra, Frédéric, lieutenant prussien, 33 ans, né à Radesladt (Schwart7emberg), entré le 15 juillet 1813, transféré à Si-Michel le 12 février 1811.
85. DOppeln, Jean, lieutenant an service de la Prusse, 28 ans, né 4 Kœnisberg, entré le 15 juillet 18*3, transféré a St.-Michei le 12 février 1814.
86. Demoellmdorf, Edouard, lieutenant 6ide-de-camp au service de la Prusse. 22 ans, né à Berlin, entré le 15 juillet 1813, transféré* St. -Michel le 1 2 février 1814.
37. DefUurs, Henri-Julien, lieutenant à la garde royale de Prusse, 99 ans, néet domicilié a Berlin. Enfermé le 99 août 1813, transféré . à Saint-Michel le 12 février 1814.
88. De Hammerstein Hans (le comte), général de division au service de Wesphalie, 4gé de 40 ans, né à Hitteshein, en Wesphalie, do- micilié a Cassel, prévenu d'intelligences avec l'ennemi. Enfé le 11 septembre 1813, transféré a Saumur le 9 février 1814.
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89. Camerlinghy Henri, capitaine du génie, arrêté par mesure de sûreté, né à Vanneperveen (département des Bonches-de-l'lssel), 35 ans, arrivé le t"r janvier 1814, transféré à Saumur le 9 février 4844
Ici te registre d'écrou est arrêté par suite de l'ordonnance du roi du 41 mai 1844, portant suppression de toutes les prisons d'Etat du royaume de France. (Sigué; Càritte.
4 . Travot, Jean-Pierre, lieutenant-général en retraite, Agé de 49 ans, né à Poligny (Jura), le 7 janvier 4767. Enfermé A Haro le 4 1 avril 4 84 6 en commutation de la peine de mort en 20 ans de dé- tention, par lettres de grâce du 27 mars 4816. Transféré à Paris le 20 février 4816 dans une maison de santé.
2. Du Ray de Chaitmarey, Hugues, ancien capitaine de la frégate la Médusé, Agé de 53 ans, né à Varses, département de la Corroie, entré le 41 septembre 1847, condamné A 3 ans de détention par un conseil de guerre, A Rochefort, le 3 mars 4817, mis en liberté le 4 mars 4820, le temps de sa détention étant fini.
3. De Polignac, Auguste-Jules-Armand-Marie, pair de France, ex- ministre des affaires étrangères et président du conseil des minis- tres , Agé de 50 ans, condamné A la peine de la déportation par arrêt de la cour des pairs du il décembre 1850, détenu A Ham par ordre du ministre Montalivet, en date du 28 décembre 4850 ; parti du chameau de Vincennes le 29 décembre 4 830, a dix heures du soir, est arrivé A Ham le 30 décembre A 2 heures de l'après-
• midi. Parti le 99 novembre 4 836 pour Calais, où il fulconduit par wTofOcier de gendarmerie pour l'embarquer.
4. DePeyrormet. Pierre-Denis, 52 ans, pair de France , ex-ministre de l'intérieur, condamné A la peine de la prison perpétuelle par ar- rêt de la cour des Pairs du 21 décembre 4830. Détenu A Ham le 30 décembre 1830. Mis en liberté le 21 octobre 4836, sur parole, pour se rendre A Monferrand (Gironde.)
5. De Chantelauze, Jean-Claude-Eallhazar- Victor, ex-ministre de la justice, député, 43 ans, condamné par arrêt de la cour des Pairs A la peine de la prison perpétuelle. Entré A Ham le 30 décembre 1 830, mis en liberté sur parole le 20 octobre 4 836 pour aller dans le département delà Loire.
6. De Guernon-Ranville , Martial-Côme-Annibal-Perpétue - Magloi- re, 43 ans, ox- ministre de, l'instruction publique, député de Maine- et-Loire, condamné A la peine de la prison perpétuelle par arrêt
-fti- de la cour des Pairs 'du 91 décembre 1850. Conduit à Ham le 30 décembre 1830. Mis eo liberté sur parole le 14 novembre 1836 pour se rendre à R an ville (Calvados).
7. Cabrera don Roman, chef carliste, 31 ans, arrivé le 17 juillet J840 (mesure politique). Parti le 9 août 1 840, transféré a Lille.
8. Bonaparte, le prince Charles -Louis-Napoléon, 32 ans, arrivé le 9 août 1840 à 1 heure du matin, transféré à Paris le 11 août 1840. Retransféré à Ham le 7 octobre 1840 par suite d'un arrêt de la cour des Pairs du 6 octobre 1840. qui le condamne a une prison per- pétuelle. Evadé le 25 mai 1846 à sept heures du matin, à l'aide d'un déguisement.
9. Conneau, Henri, docteur en médecine, âgé de 37 ans, né A Milan, de parents français, enfermée Ham le 1 1 octobre 1840, par suite de l'arrêt de la cour des pairs du 6 octobre 1 840 qui le condamna à 5 années d'emprisonnement. Mis en liberté le $4 octobre 1S46 avec remise du reste de sa peine.
10. DeMonlholon, Charles-Tristan, maréchal de camp en disponibilité, âgé de 58 ans, né A Paris, enfermé a Ham par suite d'un arrêt de la cour des pairs du 6 octobre 18 H), qui le condamne à 20 ans de détention. Entré le 46 octobre 1840, transféré dans une maison de santé à Chaillot le 16. octobre 184i, réintégré en là prison de Ham le 14 novembre 1841. Mis en liberté le 13 juillet 1846, remise du reste de sa peine lui ayant été accordée.
11. Thélxn, Charles, attaché au service de Louis-Napoléon, arrivé le 22 octobre 1840, autorisé à sa constituer volontairement prison- nier, pour le service du prince. * Parti avec lui lors de #ou éva- sion, le 25 mai 1846.
42. Demarle, Auguste, chef de bataillon, commandant le château de Ham, mis en état d'arrestation le 26 mai 1846, par suite de l'éva- sion du prince Louis-Napoléon. Mis en liberté le 16 juin 1846, par décision ministérielle.
13. Mohamed ben Abdallah, dit Bou-Maza, chef arabe, enfermé le 10 avril 1848, par mesure de sûreté.
14. Cavaignac (le général), entré le 4 décembre 1851, à 3 heures 50 minutes de l'après-midi. Mis en liberté le 19 décembre 1851.
45. Changamier (le général), entré le 4 décembre 1851, parti pour Mons, le 8 janvier 1852.
16. Lamoricière (le général), entré le 4 décembre 1851* parti pour Cologne (Prusse), le 9 janvier 1352.
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1 7 . Bmkau (le général), entré le 8 décembre 4 854 , parti pour Bruxel- les le 9 janvier 1852.
«8. Le Fié (le général), entré le 4 décembre 4 854 , parti pour Boulogne pour être conduit en Angleterre, le 8 janvier 1 852.
19. Châtras (le colonel), entré le 4 décembre 4851 , parti pour Bru- xelles le 8 janvier 1852.
80. Baze, ex~représeatabt, entré le 4 décembre 1851, parti pour Aix- la-Chapelle, le 8 janvier 185*.
SI. Roger (du Nord), ex-représentant, entré le 4 décembre 4851 , mis en liberté le 13 décembre 1851.
(» s*ie, t. 3). 7
ftftfffffffffff HOMMES ET CHOSES.
Ce général Cocquttmt*.
André-Joseph Locqueneux, né le 31 octobre 4786, àSaint- Souplet, village non loin du Càleau-Cambrésis, lieu de naissance du maréchal Mortier, entra fort jeune au service militaire , comme simple soldat, dans le 47e de ligne. 11 conquit successive- ment tous ses grades sur le champ de bataille, jusqu'à celui de' chef de bataillon qu'il obtint en 1843, à 46 aps. Il n'était encore que sergent lorsqu'il se distingua à la bataille d'Eylau par une action d'éclat. L'aigle de son régiment allait tomber entre les mains des Russes ; le jeune sous-officier s'en empare, la jette sous ses pieds dans la neige, la défend intrépidement avec sa bayon- nelte, et, blessé dans cette lutte inégale, il la rapporte triomphant au milieu des débris du régiment, qui avait été foudroyé par les batteries ennemies ; il ne restait que sept hommes de sa compa-
§nie. Il eut occasion de se distinguer aussi dans la campagne e 4809 , contre les Autrichiens. Alors sous - lieutenant , il se trouvait à l'attaque du pont de Landsbut , défendu par quatre pièces de canon. Déjà sur ce point un bataillon du 13e léger avait été écrasé par la* mitraille. L'Empereur était là ; il ordonne au 47e de ligne de s'avancer et d'enlever le pont à la bayonnetle; le capitaine et 1e lieutenant sont renversés; le sous-lieu tenant Locqueneux se met bravement à la tète de sa compagnie , fait battre la charge, s'empare du pont et des canons et fait prison- niers les canonnière qui les servaient. Emporté par sou ardeur , Il poursuit les fuyards jusque dans la ville , où il rencontre une colonne de grenadiers hongrois. Aussitôt , sans hésiter, il fond avec sa petite troupe sur cette masse d'hommes qui , pris à l' im- proviste, mettent bas les armes et se rendent à discrétion. Quelques jours après, l'Empereur, passant la revue de ce ba- taillon, donna des éloges et de l'avancement au jeune sous- lieutenant dont la conduite énergique avait été admirée de l'ar- mée. Il fut blessé à la bataille de Wagrara. Capitaine de §renadiers dans la retraite de Russie, il fit constamment preuve e courage et d'énergie et fut du petit nombre de ceux qui échappèrent à ce désastre. Désigné pour commander le bâtait-
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Ton qui s'était formé des» débris du régiment, il continua la guerre Sur les bords de l'Elbe. Le commandant fcocqueneux prit part aux derniers 6iiccès que l'armée française remporta en avant de Dresde. L'Empereur s'étant dirigé avec la plus grande partie de l'armée sur Leipzig , et ne voulant point abandonner la ville de Dresde, y avait laissé les 4 «r et 44e corps d'armée, comman- dés par le maréchal Gouvion Saint -Cyr et le général" comte Lobau. . Bientôt cette Ville fut bloquée par les Russes et les Autrichiens; Dans une des sorties, le commandant Locqueneux, à la lète d'une avant-garde , forte de 900 hommes , marche réso- lument sur un village où les Russes s'étaient retranchés , enlève leur position défendue par six pièces de canon , les poursuit et leur fait pluS de prisonniers qu'il n'avait de soldats sous ses ordres. Cette action , exécutée s»ous les yeux de tout le corps d'armée, fit le plus grand honneur au chef de bataillon.
La chute de l'Empire arrêta le jeune militaire dans la carrière brillante qui s'ouvrait devant lui. Fait prisonnier de guerre à la capitulation de Dresde , il ne reprit du service qu'en 4819. Il entra comme chef de bataillon dans la 2e légion des Çôtes-du- Nord, puis dans le 64« de ligne ; il passa avec son grade dans le 4" régiment de la garde royale en 1828 ; il se trouvait avec son bataillon dans les journées de Juillet, à la porté St. -Denis, où il fut blessé. Âpres la révolution de 1830, M. Locqueneux fut em- ployé comme lieutenant -colonel dans l'état-major généra] dé l'armée du Nord. Colonel du 4" régiment de ligne, en 4832, il fit deux anè la guerre en Afrique avec ce beau régiment, qui n'était pas seulement le premier dans Tordre des numéros, mate qui l'était encore par la discipliné, par la bonne tenue et le zélé
£i l'animait pour le service militaire. Les rapports des inspec- trs-généraux de l'armée le constatent et donnent à son colonë) des éloges mérités. C'est en Afrique que M. Locqueneux reçut les insigne* de Commandeur de l'ordre de la Légion-d 'Honneur: il avait été fait chevalier en 4842 , officier eh 4815 , chevalier de St- -Louis en 4822. Revenu en France à cause de l'état de sa tenté, il fut mis à la tète Uù 54e de ligne ; nommé maréchal de camp en 4842 et fait baron parle roi Louis- Philippe , il eut le commandement du département de la Haute-Marne, où il était sous les Ordres de notre honorable collègue, M. lé lièdtenant- général comte Merlin, qui commandait la division. M. lé géné- ral baron Lobqtieneux ne tarda pas à dévenir aussi notre collè- gue ; vous l'avez àdinis en 1847, à l'unanimité, comme membre résidant. Vous vou§ rappelez de l'avoir vu au milieu de vous, en 4850, le jour où vous célébriez lé 25* anniversaire de la fon- dation de la Société dés Enfants du Nord ! Hélas, vous nb deviez plus le revoir !
. M. le général Locqueneux est mort te 20 juillet 4854 , à l'âgé de 64 ans, dans la ville du Quesnoy où il s'était retiré ; mis à la retraite, après la révolution de Février, il y vivait au sein de sa famille, entouré d'une grande considération ., jouissant de i'esr ftime et dé la confiance de ses concitoyens, qui. venaient de lut en donner fane preuve récente en le nommant membre dû con- feeil-général: Bon citoyen, a toi dé L'ordre, n'ayant en vue que*